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L'histoire
:
Cette pièce est une comédie solennelle tant ses protagonistes ont un naturel à aller à l'essentiel en s'exprimant de façon affirmée et sincère. Ils vivent aussi au ras de leurs désirs et dans la conscience de leurs peurs, ce qui ne peut que rendre leurs idées saillantes et leurs vocabulaires osseux !
Le sujet sérieux du "couple qui se fait et qui se défait" hante cette oeuvre comme pour mieux sonder et exposer les âmes qui les/nous habitent. En définitive, cette œuvre ne serait-elle pas un plaidoyer pour que le mystère que contient l'Amour subsiste ? - Si, ah ça, c'est sûr !
... Bref, là est le livre qui réhabilitera les forces souterraines de l'imagination !
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Extraits de...
Avec notre
Scène 3
Gonzague. - On n'a jamais été présenté, Mademoiselle. On ne s'est jamais parlé non plus. Je m'appelle Gonzague, l'ex de Clarisse. Vos yeux comme des émeraudes ! Vous et moi sommes mystérieux, n'en faisons pas un plat, juste un désir réciproque ! Comme les tentacules de la lumière matinale, vos cheveux ! En dessous, ce corps d'albâtre qui vous fait prendre la pose ! Miroitant comme le cognac dans un verre de cristal, votre peau ! Et que dire de ces perspectives de jambes qui se déplient, mis à part qu'elles sont vôtres ! S'ajoute aussi un chapeau noir, noir de soucis, qui vous pèse comme une marmite qui est, à mon sens, bien trop voyante ! Je peux être l'oreille près de votre bouche, si vous voulez, et la main douce comme une écharpe de soie sur votre cou, il suffirait de me les demander et hop, tout apparaîtrait ! Ou le cœur qui remplira de bonheur vos poumons, à la première minute où vous le formulerez ! Les rêves, moi, je les cristallise en réalité, car oui, vous m'inspirez ! Et votre chair qui me crie " je ne veux que ça, je ne veux que ça ! ". Cette nuit ou jamais, Anouk : de la sorte nul hasard ne se mettra plus entre nous quand nous nous recroiserons ! Anouk. - C'est vrai que vous voir si exalté m'encourage. Vous êtes entreprenant, Gonzo : belle partition, grande tirade ! Vous vous êtes tellement bien préparé que j'ai cru que vous improvisiez ! C'est simple, mon instinct de survie en tremble encore ! Vraiment, bravo ! Mais je dois aussi vous avouer que Clarisse m'en avait informé : c'est elle qui vous pousse dans mes petits bras tout blancs. Résultat : vous venez de faire de l'amour prémédité et attendu ! De belle façon, certes, mais " prémédité et attendu ". Pour moi, jeune homme, soyez averti que tout calcul est une intelligence bête, une estocade sans lendemain. Je vous signale aussi que Christophe-mon-chéri vient peut-être de mourir à l'instant. Veuve, je deviens. Badaboum. J'apprécie Clarisse et sa solidité qui la fait toujours retomber sur ses pattes… tel un amas de spaghettis ! (Elle rit.) Mais il ne faut jamais présumer de rien, (chuchoté) il y a Christophe, là, sur mon épaule… Gonzague. - Ne demeure pour moi qu'une maigre consolation : venir en aide rend toujours beau ! Excusez l'aveu de faiblesse qui va suivre, mais je dois vous proclamer que l'amour guérit de tout, je ne le sais que trop, j'en abuse, j'y voue ma vie et je le dépense même sans compter. Seule limite à ce don : rester à l'échelle humaine, malheureusement, pour ne pas devenir suspect ! Peut-être ai-je trop de couleurs en moi ?! Car c'est vrai, elles fulminent de trop comme un troupeau excité d'aller boire au ruisseau ! Chiche, Anouk, échangeons nos chaussures ! En mettant ces mocassins, vous pourriez me connaître vraiment ! Car en moi, nul mensonge, juste une sincérité abrasive et nue, testez donc mes pompes, vous dis-je !… Et puis il y a aussi que vos semelles m'obsèdent ! m'obsèdent ! Anouk. - C'est une idée de Clarisse pour être plus haute, moins seule… Mais vous me troublez, on ne se connaît pas et pourquoi y a-t-il déjà cette sincérité si conquérante entre nous, Gonzo ?! Et pourquoi aussi suis-je tout à coup si complice avec vous ?!... et malgré moi ! (parlant de l'échange de chaussures) Oui tant pis, faisons ! Anouk met alors les mocassins à glands de Gonzague ; ils sont de belle qualité et de couleur prune… Anouk. - Et vous pensez qu'avec une telle pointure, je suis en vous ?! Elle semble déçue. Gonzague chausse à son tour et avec soin les souliers d'Anouk… Anouk. - … Et vous, en moi ?! (De cette autre situation, elle s'en amuse mesurément.)… Caramba, mais vous rigolez généreusement ! Gonzague. - Oui. Et maintenant, " lève-toi et marche " comme dit l'homme magicien… S'il vous plaît, Anouk, maintenant que vous êtes en moi, livrez-moi ce qui vous vient à l'esprit, là, sans réfléchir, on ne se comprendra que mieux et plus vite ! Anouk. - (en se levant) Heureusement que je ne connais personne ici... à part vous ! et que personne ne cherche à me connaître… à part vous ! (Elle marche et s'émoustille de constater sa nouvelle démarche.) Vous me faites faire de ces trucs, vous ! Mais pourquoi ne vous réponds-je jamais " non ", c'est terrible, ça ! (Et elle rit avec honte.) Gonzague. - (se référant à ses chaussures aux pieds d'Anouk) Sentez l'assise qu'elles vous donnent et l'autorité que gagne votre buste… Laissez donc venir en vous cette facilité irrépressible à pouvoir interpeller tout le monde ! Alors, que ressentez-vous ? Et sauriez-vous m'imiter ?! Anouk. - Mais fouillez dans mes poches tant que vous y êtes ! Non, je plaisante, car c'est tout de même très agréable d'être avec quelqu'un et dans ce " quelqu'un " à la fois ! Oui, je dois vous avouer que j'aime ça… C'est que je vous devine curieux et cinglé à la fois… (Elle rit pour compenser son audace.) Gonzague. - Oui, c'est inspirant, vous êtes inspirante ! Et puis, en fin de compte, qu'est-ce qu'une rencontre si ce n'est marcher ensemble à l'intérieur de l'autre ? Vous me plaisez, Anouk. Je vois tout un jardin printanier qui émane de vous ; par les oreilles, les narines, jaillissent des abeilles, des feuilles vertes, du gazon, quels délices ! Un coup de soleil là-dessus et hop, tout s'ouvre, tout augmente, tout éclate ! Face à vous, je suis béat, heureux comme un vacancier ! Que faites-vous dans les vingt ans à venir, Anouk ? Anouk. - Bon, vous, ça suffit maintenant, de parler de moi, là, comme ça ! Car je suis quand même la mieux placée pour me raconter. Déjà que j'ai un tas d'images qui me " ramonent sévère ", vous n'avez pas idée ! Attention, les paroles qui suivent vont faire " kilos de viande rouge sur plat en Inox " vu que ça manque de mayonnaise dans mon cerveau ! Je parlerai donc comme ça me tombe sur la langue, plif-plof, ça fait : (comme si elle avait une absence) Assise dans le panier bulle que porte un grand cygne beige, je vole. Avec mes membres qui dépassent, d'en dessous on dirait un pou épileptique. En contrebas, une servante a les mains dans le dos, attachées. Elle cherche pourtant à les tendre, à mendier, à espérer. Où est passée sa sébile ? Elle sert de genouillère. Son crâne est une cage d'os close, son derrière ressemble à une amphore ouverte. Elle excite ma curiosité comme une plume chatouillerait un corps de sable : l'édifice s'effrite. " Dans la nature, toute proie se mange la tête en premier ", lui adressé-je, comme un avertissement. Mais dans la mare des événements qui se trouve à ses pieds, se distinguent déjà une fraise géante comme un nain adulte, des lézards en forme d'inquiétudes, et ce qui semble être une langoustine, à la verticale, qui veut passer pour une fontaine. Licornes et vieilles biques assécheront bien ce site, à force d'y boire goulûment. Oh ! là ! là ! tous ces aspirateurs de rêve ! Tant de préoccupations mettent mes méninges dans une cagoule de hibou. Je sue beaucoup. Est-ce normal de ne voir, en tout et pour tout, que marée montante de morts vivants ?! " Saute du cygne, attrape un cerf par ses branches et monte-le à cru ", m'infligé-je. Jamais je ne me suis sentie aussi nue et sauvage que sur ce cervidé : d'ailleurs, je ne faisais plus que danser. En bordure de la sente que nous prîmes avec légèreté, se mirent à bouger tous les arbustes. Car bien déguisés étaient de gros rouges-gorges très colorés. Formant une haie d'honneur, ils me regardaient, mourant d'envie de picorer ma joie. Par-dessus tout, c'est la nervosité de leur spontanéité qui me fit peur. (Revenant progressivement à elle.) " Mais faudra-t-il encore longtemps se planquer dans le palais des courants d'air ou sous les nappes pour se sentir libre ", tiens-je à vous demander, Gonzague. S'il vous plaît, considérons vraiment autrement les renoncules, les chapeaux melon et les estomacs cornemuses ! Est-ce trop fantasmer que d'imaginer ça !? (Elle finit exténuée.) Gonzague. - Il faut dire aussi que l'air est très lourd ici, quelle folie ! Il ne faudrait pas que tout ça se sache, Anouk, soyez donc assurée de ma discrétion, je n'ai rien compris, ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais en vous voyant mais j'ai réellement apprécié : d'ailleurs, je suis véritablement tombé sous votre charme ! Pour la dernière fois, cette nuit ou jamais, je n'y peux rien, c'est votre inspiration qui me tire à présent par les orteils et qui se glisse sous mes vêtements ! Au fait, seriez-vous pareille une fois couchée, j'en rêve ! Anouk. - Oui. Je vous suis. Ils
partent ensemble chez lui. Il la précède comme pour la sécuriser au cas
où elle chuterait (ils ont toujours les souliers de l'autre). En fait,
à les regarder, c'est surtout lui qui marche avec difficultés ; pour preuve,
" ses " chaussures commencent à être sérieusement abîmées, mais aucun
d'eux ne s'en apercevra, trop préoccupé à faire coïncider leurs esprits
excités. Ils marcheront même plus longtemps que ce qu'il faut puisqu'ils
se tromperont de chemin... |