Ci-après quelques textes produits durant la séance,
notamment (dans l'ordre):
- "Dédé, Blandine et Momo" de
CHRIS
- "La chasse au Dahu" de Karine LEROY
- "Un repas diabolique" de Marie-Odile GUIGNON
- "Journal
de Maud Ploncru née Leaublan" de Janine NOWAK
Remarque :
TOUT LE GROUPE A TRAVAILLE AVEC LES MEMES SYLLABES. CAR, AU COURS DE LA
SEANCE, A INTERVALLE REGULIER, CHACUN A TOURNE LA ROUE DES SYLLABES POUR
CHANGER LA PRECEDENTE QUI AVAIT ETE TIREE. IL Y EUT AINSI :

Dé / Dè / Dê (pendant 25 minutes)
Blan (pendant 20 minutes)
Plon / Plom (pendant 20 minutes)
Meau / Mo (pendant 20 minutes)... comme sur la photo !
Cru (pendant 20 minutes)
Leau / Lo (pendant 20 minutes)
Ne (pendant 40 minutes)
"Dédé, Blandine et Momo" de CHRIS
Dédé, un déménageur déjanté, aux deltoïdes débridés et décorés de décalcomanies
dignes de bandes dessinées, s'était délecté à détrousser une dénommée
Blandine, déesse désemparée, aux hanches délétères, qu'il avait découverte
derrière la décharge départementale. Ils s'étaient défiés. Elle et ses
décolletés plongeants sur des seins blancs comme l'albâtre, lui et ses
deltoïdes troublants et accablants de prétention avaient fait trembler
les sommiers de la décharge. Sans faux-semblant, ils s'étaient aimés -
débuts détonants pour une idylle qui avait été le plongeon de leur vie.
Des travaux chez Plonq avaient offert à un plombier en pleine déprime
une vue plongeante sur des ébats dont Blandine était ressortie moins blanche
que le blanc d'un oeuf, Dédé moins détaché que d'ordinaire, et le plombier
plus plombé qu'un ciel de plomb. Le comble du plombier étant de perdre
son aplomb, le notre avait bientôt plongé sur l'occas' pour descendre
plomber le camion de Dédé et la caisse de la déesse. Son nom au plombier,
c'était Maurice. " Momo le Moldave " ou " Momo la Mauviette ", l'avaient
ils surnommé depuis.
- Moquez-vous, moquez-vous... , maugréait-il mauve d'une rage mortifère,
gare au mauvais oeil de Momo... vous ne m'aurez pas, c'est moi qui plomberai
votre cercueil ! "
Entre Dédé et Blandine l'émotion n'avait pas molli, les mots d'amour moins
encore ! Momo les maudissait. Eux s'en moquaient.
Bientôt, Momo, qui avait mobilisé tant de mauvais sentiments, commença
à s'en mordre les doigts .Il se crut maudit et se morfondit. Le remord
s'accrut. A défaut de crucifixion, il sacrifia crudités et viande crue.
Cruauté vaine ! Le pardon lui manquait toujours cruellement.
Parfois, l'aube l'autorisait au repos, et dans le modeste logement où
cuisait à petit feu l'os à moelle de la rédemption, il augurait de meilleurs
jours sur l'autel de l'auto-flagellation, ne cessant de répéter :
Ne plus jouer les voyeurs
Ne plus mésestimer un déménageur
Ne plus lever les yeux sur une déesse
Ne plus céder à la détresse
Ne plus nuire aux amoureux
Ne plus songer à être heureux...
Blandine et Dédé avaient déserté la décharge pour une dune près d'une
lagune et avaient refermé leurs persiennes pour se protéger de la haine.
Ils ne les ouvraient plus qu'aux rayons de la lune.
"La
chasse au Dahu" de Karine LEROY, conteuse
C'était un grand dadais, ce Dédé, pourtant il était le fils du fier Comte
du grand Condé. Du matin jusqu'au soir, il chevauchait en se dandinant
à dada sur son baudet et parfois excédé, il hurlait à tous ceux qui le
dépassait de décamper.
Ce grand ballot chassait le dahu, de découvertes en déceptions, il croyait
le débusquer à chaque bosquet :
" Ce démon se défile dès qu'il me voit ", se disait-il d'un air débonnaire.
Dédé portait un débardeur blanc tricoté par sa mère-grand. Il se dépêchait
de rentrer dès que sonnaient les sept coups du clocher, en redoublant
de coups de pied sur son bourricot accablé. Tout ça pour aller manger
la blanquette de sa mémé adorée, quel blanc-bec ce Dédé !
Sans cesse, il était troublé par cette quête, mais à quoi pouvait donc
ressembler cette bête ? Etait-ce une beuglante blanche biche ? Un bouc
à plume de plomb ? Un plongeon à queue de dragon ?
Ce plouc de Dédé défiait les railleries avec aplomb. Il en était sûr,
une fois son trophée empaillé, il sera le champion, le chevalier au courage
de plomb. Sa notoriété ira par delà tous les hameaux…
Un jour, Momo le marmot, sans lui dire un mot, lui joua un tour avec un
plumeau. Le môme attacha le plumeau à la queue d'un molosse morveux et
musclé et lui colla de la moquette à motifs moches entre les deux oreilles.
Il appela ensuite Dédé, en lui disant qu'il avait trouvé le monstre tant
recherché derrière la cabane aux moutons.
Morbleu ! s'écria Dédé qui s'élança sans s'équiper. Il fut mordu aux deux
mollets par ce morfal de chien qui était tranquillement assis en train
de se débarbouiller. Dédé rentra bredouille, morne et morose. Quel sale
morpion que ce Momo ! se disait-il en mangeant de la morue aux morilles
pour se remonter le moral. Qui l'eu cru ? Le père Lustucru, lui croyait
en son Dahu. Il lui disait : " Le Dahu est une quête cruelle, un sacrifice,
mon fils " et lui offrit pour pendentif un crucifix. Le courage de Dédé
s'accru et il se dit qu'il n'était loin d'être une cruche. Illico presto,
il mit du sparadrap sur ses mollets écorchés et remonta aussi vite sur
son baudet.
Le Dahu était peut-être un crustacé crudivore ? Il se décida à voyager
jusqu'à l'Océan, l'horizon sera plus grand… Il troqua son âne contre un
loriot et un peu palot, il sauta dans son nouveau bateau qui coula aussitôt
! Il hurla :
" A l'eau ! A l'eau ! Un homme se noie mais sauvez-moi nom d'une coquille
de noix ! ". Des badauds écolos l'observèrent en riant, amusés de
ce nouveau solo mégalo. Le pauvre Dédé s'échoua en loque sur un lopin
de terre. C'était le domaine d'une belle châtelaine. Elle était un peu
magicienne et sereine, elle nettoya Dédé de ses peines. Quand Dédé vit
ses grands yeux d'ébènes et son nez de sirène, il ne voulu plus du tout
parcourir les plaines et c'est sans-gêne qu'il s'installa dans son living-room
à l'ancienne. Je ne vous parlerai pas de la suite car c'est obscène !
Maintenant Dédé crâne au bras de sa belle femme. Qui l'eu cru ? C'est
le père Lustucru qui a célébré leur mariage. Mais le Dahu, personne ne
l'a encore chassu !
"Un
repas diabolique" de Marie-Odile GUIGNON
Dès le début du déjeuner, le démon déambule dépourvu de décence dans ce
monde de débiles désopilants et déjantés qui débat en désordre. La démarche
délictueuse, il délivre ses dédicaces avec délicatesse et désinvolture
dans un délire démagogique déplacé...
Ciblant ses clients en ressemblant à un blanc-bec tremblant il signe noir
sur blanc d'un trait troublant. Ce faisant, il fait semblant d'être rassemblant...
Son aplomb plombe les "plons-plons" qui plongent en surplombant les plombages
des pales-ombres, peu-l'ont senti, peu-l'ont saisi...
Tel un monarque mobilisateur de son monogramme de mots en morceaux immoraux
il monnaie sa motion de morpion morbide en morse sans moratoire de mortel...
Crucial, cruel, crûment, il crucifia sans décrue les recrues recrutées
qui le crurent : le cru burent au cruchon. Les crudités et les crustacés
cruciformes décrurent de la table des cruciverbistes repus.
La colonie colonisée en lots palots se pelote dans les lauriers de l'au-delà,
le lauréat colossal lové dans la loge du logis logique se colore lorsque
la logogriphe du colloque loquace fait surface en logos sur l'eau...
Un télépho*ne* son*ne*, l'appel réson*ne,* u*ne *person*ne *la mi*ne*
coqui*ne*, la nari*ne *fi*ne* sans nicoti*ne*, sous la mousseli*ne* d'u*ne*
capeli*ne* qui sent la naphtali*ne*, opi*ne* de la tête... Sa voisi*ne*
mari*ne,* d'origi*ne* opali*ne,* don*ne* sa sarbaca*ne*, telle une dia*ne*
diapha*ne*... Alors la patron*ne* ordon*ne*, l'expulsio*nne* nécessaire
du démo*nne* néfaste :
*"Ne* *démolo plon blancru !"
"Journal
de Maud Ploncru née Leaublan" de Janine NOWAK
Quelle désillusion ! Je suis désenchantée, désemparée, déboussolée, désespérée,
dévastée. Et de plus, je me sens tellement dévalorisée ! Quelle déveine
! Quelle déchéance ! Je défaille. J'étais pourtant sa " si désirable Déesse
" - qu'il disait ! -.
Et voilà que cet amour débouche sur un désastre. Quelle dégringolade.
Comme on dévale vite la pente !
Je me sens comme dépossédée ; dévalisée, en quelque sorte. Car cette blonde
décolorée, m'a délibérément dérobé mon Dédé.
Ah je l'aimais, mon déloyal Dédé ! Il était ma drogue et je vais devoir
me désintoxiquer de lui. Etais-je débile ? Je n'ai pas vu le danger débarquer.
Et voilà qu'il vient de déserter définitivement le foyer. Il me préfère
cette débauchée, cette débraillée, cette dévergondée qui se déhanche en
dansant avec démesure des jerks déchaînés.
Après deux décennies d'amour, me voilà déchue. Et lui, sombre crétin,
il ne comprend pas que c'est le démon de midi qui le fait ainsi déraper
!
Je ne suis pourtant pas encore décatie, décrépite. Aussi je dois me ressaisir,
ne plus être en plein désarroi. Je désire redémarrer ; je veux redécouvrir
le bonheur, car je n'ai ni l'intention de me défénestrer, ni de tomber
dans la débine. Mais il me faudrait un déclic qui me fournirait l'énergie
nécessaire pour un nouveau départ dans la vie.
Blandine, qu'elle se prénomme, cette blondasse. Blanchisseuse de profession
; demeurant Quai Auguste Blanqui au Blanc-Mesnil. Elle jouait les oies
blanches, les vierges effarouchées. Et mon Dédé, tel un blanc-bec, est
tombé dans les bras de cette troublante créature. " Blanche-Neige ", qu'il
la surnomme (car elle a le teint blanchâtre d'une endive ! Hé, hé, hé
!). Je trouve tout cela si navrant, si accablant ! L'aime-t-il ? Fait-il
semblant ?
Dédé, il est plombier. C'est un Auvergnat, né au Plomb-du-Cantal. Moi,
je suis Vosgienne, de Plombières-les-Bains. Mon Dédé, il faut bien l'admettre,
n'a jamais eu beaucoup de plomb dans la tête. Cependant, jadis, il en
a eu aux pied - du plomb -, car dans sa jeunesse, il a fait de la plongée
(sous-marine, hein, pas la plonge dans un restaurant !), avec un scaphandre
plombé. Oh, ça me fait penser que j'ai perdu le plombage de ma molaire.
Prendre rendez-vous avec monsieur Replondan, mon dentiste. Voilà, c'est
noté. Et pour apporter un peu de gaité, je vais mettre la radio… " Beau
Danube bleu, plon-plon, plon-plon… ".
Ah, pendant que j'y pense, ajouter sur mon aide-mémoire : acheter de la
moutarde de Meaux. C'est mon maudit Dédé qui m'a initiée, car il en raffolait,
de la moutarde de Meaux, celle avec les graines. Oh, oh, je constate que
demain c'est le Dimanche des Rameaux. J'irai à la messe et je rapporterai
une petite branche de rameau béni. Peut-être aura-t-il le pouvoir de faire
revenir mon chameau de mari ? Allez, à présent, je vais me mettre un disque.
Voilà longtemps que je n'ai pas écouté le " Tambourin " de Rameau. J'aime
bien la musique classique. Elle apaise mes maux. La lecture de Maupassant
est aussi un bon remède. Et si, pour me changer les idées, je refaisais
l'appartement ? Ce serait un bon dérivatif ! D'abord, retirer ce trumeau
que je déteste du dessus de la cheminée. Je veux désormais du moderne.
Mes revenus sont certes modestes, mais je peux m'offrir quelques nouveautés.
Cruel ! C'est le mot qui me vient à l'esprit quand je pense à Dédé. Oui,
il est devenu d'une grande cruauté envers la pauvre cruche que j'étais,
; oui, une pauvre cruche qui a toujours cru en lui ! Et voilà qu'il me
crucifie ! Non seulement il m'a abandonnée, mais encore, il me nargue
crûment. Quelle brutale et soudaine recrudescence de méchanceté vis-à-vis
de moi ! Tout cela m'épuise ; je suis recrue de fatigue. Je n'ai même
plus la force ce soir d'ouvrir des huitres, moi qui aime tant les crustacés.
Je suis décidemment trop lasse; aussi, je vais vite terminer mon crumble
aux pommes, et me servir un cruchon de cidre. Puis pour me distraire un
peu, après quelques mots croisés - je suis une cruciverbiste chevronnée
- je vais commencer la lecture de la vie de Robinson Crusoé. Ou plutôt,
me mettre un film de De Funès. Oui, tiens, le " Gendarme de Saint-Tropez
". Je l'aime bien De Funès dans le rôle de Cruchot.
Voilà, mon moral est meilleur. J'ai sommeil, c'est l'heure d'aller dormir
dans mes beaux draps de toile écrue, achetés à Veracruz.
Allo ! Allo… Allo… Allo ? Je suis sûre que c'est lui, le salaud ! Ou alors
sa Blandine, son " Joli petit lot " comme il dit ! Trois heures du matin,
et il me réveille exprès. Et moi, comme une gourde, je me précipite pour
hurler des " Allo, allo, allo " dans le combiné. L'autre nuit, déjà, j'ai
entendu des sons bizarres dans le téléphone, comme venant de l'au-delà.
Veut-il me rendre folle ? Espère-t-il que je vais aller me jeter à l'eau
? A présent, je suis trop énervée pour me rendormir. Autant m'occuper
: je vais me lover dans ce fauteuil et feuilleter ce livre ayant trait
aux affiches de Toulouse-Lautrec. Et puis je vais préparer mon futur séjour
à Lausanne. Et après Lausanne, j'irai voir ma cousine Laure, dans les
Cévennes. Elle loge dans une ravissante maison au toit de lauzes. C'est
superbe. Et je terminerai mon périple en rentrant par le Lot, charmante
région où mon vieux copain Charlot m'hébergera le temps d'un week-end.
Avec lui, on ne boit pas que de l'eau, mais entre-autres, une eau de vie
qu'il fabrique lui-même et qui est remarquable !
Ne pars pas ! Me suis-je abaissée à lui crier. Ne me laisse pas ! Ne m'abandonne
pas. Ne va pas vivre chez cette femme. Ne vois-tu pas comme je t'aime
?
Rien, pas un mot, pas un geste. Il est parti et depuis je traîne ma neurasthénie.
Et pourtant avec lui, j'étais si bonne. Il faut bien l'admettre : j'étais
surtout trop conne, oui ! Et puis, comment ai-je pu ne rien voir ? Ne
rien deviner ? Ah, je n'étais pas fine ! Mais je vais me ressaisir. Désormais,
il faut que je raisonne intelligemment, et pour commencer, je vais dresser
la liste de mes dix commandements à moi :
1 - ne plus pleurer
2 - ne plus gémir
3 - ne plus me faire plaindre par mes parents ou amis
4 - ne plus rien espérer de ce foutu Dédé
5 - ne plus réagir à ses vacheries
6 - ne plus attendre son retour
7 - ne pas accepter qu'il revienne (si toutefois il en avait l'intention…)
8 - ne plus m'enliser dans mon marasme
9 - ne plus vivre comme une nonne et refuser ainsi bêtement le contact
avec ceux de l'extérieur qui me sont restés fidèles, qui me tendent la
main et qui essaient de me distraire
10 - enfin, ne plus m'obstiner bêtement, à refuser le dîner que me propose
Eugène Neuwirth depuis un mois. C'est un Suisse, de Neuchâtel. Et, il
est très charmant, Eugène Neuwirth…
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