SAMEDI 1er juin 2024
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du Nouveau cycle
"Techniques fécondes, tonique faconde"

Animation : Régis MOULU

Thème : Se dépasser, se surpasser, se déplacer (le "tue-manies")

Le but essentiel de cette séance folle sera de se surprendre soi-même. C'est quasiment quelqu'un d'autre qui va écrire à notre place. On est alors dans la peau, dans la main, dans le cœur, etc. d'une autre personne. On trouve donc sa logique, l'incarne sans réserve, puis voilà qu'elle rédige à notre place ! Schizophrènes bienvenus, le temps de notre rendez-vous seulement. Car l'art suppose toujours d'avoir une "vision par-dessus" tout en faisant preuve d'un lâcher-prise imaginatif.

Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), le sujet suivant a été énoncé en début de séance : Prendre l'identité de quelqu'un que vous n'êtes pas et faire vivre l'une des deux images au choix ci-après :

Oedipe et le Sphinx (d'après Ingres) de Francis Bacon, 1984


Énigme de l'arrivée et de l'après-midi de Giorgio de Chirico, 1912

Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support listant tout ce qui permet d'être dans l'inattendu y cmpris en passant par le concept jungien d'Ombre a été distribué en ouverture de session.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):


- "Rester sur la crête" de Régis MOULU

 

 

"Rester sur la crête" de Régis MOULU (choix du tableau 2 ...puis 1), animateur de l'atelier


L'impossibilité de partir
ou la tactique du « avancer malgré tout »,

la nécessité de construire.

Le besoin d'amasser, détenir, se servir.
Cette rage interne qui me ronge.

Cet ordre que les générations passées me lancent.
Préemption de mon futur.
Il y a là de quoi rester immobile.
Toute civilisation figera tout individu.

À l'inverse des éléments qui nous entourent.
Une vitalité contagieuse.
Quand le chaos se fait agitation intérieure,
puis passage à l'action.
Le mouvement est un cri d'existence.

J'extravague sur les voyages
parce que je suis l'enfant d'un voyage qui s'est fatalement terminé.
Toute naissance fait office d'une « interruption ».
J'aimerais retrouver mon pouvoir d'interrupteur.

Remise en marche esprit et corps,
volonté et rêve,
caractéristiques et dimension.
Je suis l'homme à la capuche qui se baisse.
De tête en tissu,
je passerai à tenter d'être « la vie par la chair »,
« la poésie par toutes ses formes »,
« l'esprit qui sort de l'araignée de son ombre ».

Je pars sur le damier des événements.

Si mes rêves sont une voile de bateau élégant,
je serai son passager miséreux.

Je veux m'extraire de notre architecture,
échapper à toute forme d'agencements.
Le chiffre est une bête féroce,
un bouffeur d'hommes.

Ainsi j'entends être « disciple de l'indéfini ».
L'indéfini est comme un ciel bleu
qui vire au bleu
car il y a plein de bleus,
à commencer par le vert.
Le vert azur assurément.

Prairie féconde, pâture profonde,
pré d'oxygène
qui enfante chaque nuit
son peloton d'étoiles grimpantes.
D'ailleurs, ces astres, ce sont mes yeux,
tous ceux que j'ai eus dans le passé,
toutes mes vies échues
qu'il m'est impossible de ramasser,
tout ce qui m'agite encore
quand je dors,
aujourd'hui, elles sont au plus
des fourmis dans mes pieds.

Ma vie présente un mur,
un mur que seule mon ombre
s'aventure à escalader.

Or, mon futur st derrière ce dessin plat,
hors de la boîte de mes représentations.
Un fort.
Une cuirasse de certitudes
que le soleil rougit.

Là, maintenant,
je suis prêt à faire sauter ma maison,
réhabiliter mes peurs
parce qu'elles célèbrent mon instinct.
Être brûlé par ça,
être brûlant de ça.

Un héros avec tous ses défauts m'habite.
Su je ne l'accueille pas,
je m'évanouis.
C'est une moelle épinière de plus.

Je meus enfin.
Mon corps est une pierre
avec son onde de chair
et ses vagues d'images
qui meurent comme
« rondelles de saucisson disparaissant dans le sol ».

Désormais en pierre molle, je bouge
comme vêtu d'une toge
qui s'effiloche,
tout action ayant pour vocation
de nous mettre à nu.

L'inconnu toujours nous dépouille.
J'accepte donc de perdre mon présent
dégradable en passé,
et dans mon dos la mort s'entasse,
de plus en plus grande
comme une bouché édentée.

Je veux sortir de l'image
que je suis,
quitter la vision unique
que j'ai des choses
et surtout ne plus jamais croire
en l'élasticité de l'immobilité
que fut ma vie pourtant heureuse en ce lieu,
sortir de cette villa
qui est « injure faite à l'espace ».

Car l'ailleurs m'appelle,
me tend un fil,
voudrait que je sois
davantage « funambule »,
m'invite à pénétrer
les territoires flous
et rallier par exemple
la vallée des mirages,
ce que je fais.

Une fois arrivé sur place,
l'inquiétude est mon cerveau.
En somme c'est comme si j'étais entré
dans une tour.

Là, un homme blessé m'attendait,
me regarde, me toise, me transperce.

Sa plaie est à l'image de sa puissance
et de ses combats :
grande. Impressionnante.

Son sang devient mon obsession,
sa présence ma hantise,
presque ma raison d'être.

Une rivalité agie
qui me rend « proie »
et également « prédateur »,
j'avoue aimer ce nouvel état.

Plus concrètement, mes yeux se rapprochent,
mes bras s'érigent,
mes doigts s'allongent.

Je découvre ce que c'est
d'être dense comme un flageolet,
mais ça n'a rien d'exceptionnel
puisque lui aussi est un flageolet.

Ma tension intérieure
resserre mes organes, les met les uns contre les autres,
les mélange,
me rend confus, agressif,
je me détache de l'espace
et du temps,
fait de moi un roi, un monstre, un sexe aveugle.

Cette faculté inconnue me fait pleurer.

Du brouillard de mes larmes
naît un jour nouveau
une fable à retrouver,
une porte à ouvrir,
un escalier à gravir,
un ange à décrocher,
un lion blanc à caresser,
une pâte à pétrir.

Déjà l'aube court à l'est,
me confirmant ainsi que la Terre tourne
et qu'il me sera toujours impossible
de la rallier.

Ou alors, juste attendre qu'elle repasse
en imaginant qu'elle s'est réinventée.
Juste, comme une plante,
bénéficier de son soleil
pour faire croître
mes idées les plus vertes.

Un sous-marin aérien passe.
Sa trajectoire crée une phrase.
Je la lis et je l'oublie aussi sec.
Puis une autre phrase
que je ne lirai pas.

Au poignet, j'ai une nouvelle gourmette
avec un nouveau prénom
… que je n'arrive pas à déchiffrer,
un contentement grand comme une girafe
alors m'envahit.

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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