SAMEDI 3 DECEMBRE 2011
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
"Le monologue du plaisantin 2"

Animation : Régis MOULU

Comédien présent :
Philippe CHAUVIN

Thème :

Se répéter pour mieux détoner !

Etre dans la redite, de façon volontaire et abusive, crée immanquablement un effet (blague de répétition) qui est d'autant plus fort quand une variante apparaît ! C'est cet angle mal investi de l'humour (car il y a de la subtilité dans la lourdeur) qui nous a animé, le temps de notre séance créative !

Avec ce procédé, savoir nuancer, varier, décliner ses propos est une compétence qui a été approchée pour le plus grand plaisir de tous…

Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), ce sujet a été énoncé en début de séance : Ecrire le texte correspondant à ce que quelqu'un se dirait, dans sa tête, en pensant à un groupe d'individus.
Pour stimuler et renforcer l'écriture de chacun, un support portant notamment sur les 99 styles de Raymond Queneau été distribué... En sus du "syllabus" pour les nouveaux arrivants !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):

- "Transports" de Marie-Odile GUIGNON

- "Merci de ne plus mettre du scotch sur les murs" de Jean-François SANS

- "Bizarre" de Nadine CHEVALLIER

- "Anatole" de Janine NOWAK



Philippe CHAUVIN incarnant un de nos textes
(coll. J. NOWAK)


"Transports" de Marie-Odile GUIGNON

Transports Un ticket,
Un tourniquet,
Un volet,
Un escalier,
Un quai,
Ils marchent, ils piétinent, ils s'accumulent, ils attendent, ils montent, ils descendent…
Les voyageurs !
Ils recommencent à bouger,
Ils stationnent entassés,
Ils se font rouler,
Et marcher sur les pieds,
Et encore bousculer,
Les voyageurs !
On les interpelle :
" Vous trop coup pont de transe port
Silevousplaitmonsieuroumadame "
Ils sont tous très, très-très-trèssss
Stressss…Pressés…
Ils ne passent jamais une journée sans se glisser sous la terre…
Les voyageurs !
Ils sont devenus accro des taupinières des métros.
Ils leur faut leurs doses quotidiennes :
Une dose le matin,
Une dose le soir,
Et parfois plusieurs doses le W.E.
A ces voyageurs !
Pour passer d'un tunnel à l'autre, ils pénètrent dans des wagons
Pour s'asseoir.
Mais souvent ils restent debout en regardant d'un air absent
Leur for intérieur,
De voyageurs !
Leurs méditations contagieuses
Engendrent de multiples senteurs,
Ya de l'ambiance,
Pour les voyageurs !
Aux crissements rythmés,
Les corps chaloupent dans un balancement régulier.
Une syncope:
Stop stop stop.
Quelques-uns sortent :
Hop hop hop.
Le rythme reprend,
Tchou tchou tchou.
Que je te touche, que tu me touches, qu'ils se touchent.
Mœurs de voyageurs !
Rien de tel pour être en forme,
Ça chauffe dans les uniformes.
Ils ont tous les mêmes costumes
Ombres sombres de zombis.
Couleurs de voyageurs !
Ceux qui sont assis, eux
Sont en train,
En train d'lire un journal,
En train d'lire tout seul,
En train d'pianoter sur leur clavier :
Petit
En train d'jouer sur leur clavier :
Petit
En train de, de-de-de
Train de voyageurs !
Frimer, rêver, dormir, somnoler...
Ils ont les oreilles bouchées,
Par des casques variés,
Des fils le long du cou,
Qui descendent jusqu'aux genoux.
Parfois ils agitent une jambe,
La pointe du pied :
Scellée sur le plancher.
Trucs de voyageurs !
O multitude, O solitude !
O plaisirs tumultueux des artères souterraines !
Heureux tous les individus
Qui transitent dans la foule
Et roulent, roulements de tambour.
Ils grouillent par tous les temps pour atteindre un seul but :
Un lieu mystérieux où ils gagneront leur vie.
Loterie de voyageurs !

 

"Merci de ne plus mettre du scotch sur les murs" de Jean-François SANS

MERCI DE NE PLUS METTRE DU SCOTCH SUR LES MURS…

La première fois, je ne l'ai pas vu : je lui tournais le dos.

SUR LES MURS, FENÊTRES, RADIATEURS…

Parce qu'avant il y en avait qui mettaient du scotch sur les radiateurs !?
Il faut quand même être abruti pour mettre du scotch partout même sur les radiateurs.
Aujourd'hui, je l'ai bien en face de moi, la panneau rose avec l'inscription :

MERCI DE NE PLUS METTRE DU SCOTCH SUR LES MURS…

Mais on voit bien qu'il a été collé avec du scotch, sur un mur, voire même sur un radiateur !
Le coin inférieur gauche est arraché !
La personne qui l'a rédigé a dû se creuser les méninges.

MERCI DE NE PLUS METTRE DU SCOTCH SUR LES MURS…

Pendant des semaines peut être pour trouver la bonne formule
- sur les murs
- sur les fenêtres
- sur les radiateurs
-DU scotch…

Après enquête elle a trouvé des agrafes, aussi, des agrafes sur les murs

MERCI DE NE PLUS METTRE DES AGRAFES SUR LES MURS…

Ha les cons ! Ils mettent aussi des agrafes SUR les murs… c'est sûr, des agrafes sur les radiateurs, ni sur les fenêtres !
Il faut interdire cela, ça frise le vandalisme ! Des agrafes ça fait des trous. Aucun respect.
Ils mettent du scotch partout. Mais je sais bien, si on écrit " INTERDICTION DE " ils en mettront de plus belle du scotch, des agrafes, sur les fenêtres, les murs, partout. Un vrai cauchemar !
Elle en a presque perdu le sommeil. Bien choisie le couleur! Le rose ça calme… Bien vu le MERCI en début de phrase… c'est mieux que " il est interdit "
Merci bande d'abrutis, arrêtez vos c conneries, cessez de mettre votre p… de scotch, partout! Le merci c'est diplomatique, mais au moins c'est … un petit sourire… et … merci, bande de sagouins…

DE NE PLUS METTRE DU SCOTCH SUR LES MURS…

Avant c'était possible vous pouviez mettre votre scotch, comme ça, tranquillement partout, murs, plafonds, fenêtres. Bon, c'est vrai il n'y en a pas au plafond, mais que les radiateurs, oui !
"HA ! Je viens de lever les yeux et stupeur! Il y a du scotch sur le plafond !!
Il faut quand même être vicieux! Aller mettre du scotch sur le plafond !! "

Papier rose, logo de la Mairie, pour faire bien officiel :

MERCI DE NE PLUS METTRE DU SCOTCH SUR LES MURS, FENÊTRES, RADIATEURS (je rajouterai plafonds plus tard) AINSI QUE DES AGRAFES SUR LES MURS.

 

"Bizarre" de Nadine CHEVALLIER

Bizarre... Ah ! M'y voilà donc... je sais pas où... mais j'y suis !
J'arrive pas à me rappeler comment s'appelle cet endroit... Pourvu que tout se passe bien...
Oh la la ! Y'en a du monde ici... Qu'est-ce qu'elle a dit déjà, la directrice ? On sert bientôt le goûter ? Ils ont tous faim sans doute... Oh la la... y'en a du monde quand même !
...
Oui, le pépé qui passe là; il est tout maigre, pour sûr il a faim... Est-ce qu'on a assez à manger ici ? Qu'est-ce qu'il est mal fagoté, en plus il est en pantoufles... noires les pantoufles, avec un scratch... pas très élégant, le gars !
Mais ça doit être confortable... et la p'tite dame là, avec son chouchou rose dans ses trois cheveux, elle est bien maigre aussi... Elle me regarde, qu'est-ce qu'elle dit ?
Bizarre, j'y comprends rien... elle est peut-être folle ? Est-ce qu'il y a des fous ici ? Je me rappelle pas comment s'appelle cet endroit... C'est pas un asile de fous quand même ? !

Oh la la, y'en a du monde ici...
Bon, celle là, là avec tous ses bijoux, elle est pas maigre en tous cas. Bon, on doit manger assez alors. Qu'est-ce qu'elle a comme bijoux ! Trois bagues à chaque doigt... au moins ! Je rêve ! Et tous ces colliers, bleu, doré, perles, perles, doré, bleu... le femme aux bijoux ! On dirait la Castafiore !
L'autre là, il ressemblerait bien au Capitaine Haddock, avec ses moustaches et sa casquette, un vrai loup de mer... Bizarre... Et là ! Mais oui, sur les genoux de cette mémère, c'est Milou !
On n'est quand même pas au Château de Moulinsart ? Si ?
Je me rappelle pas comment s'appelle cet endroit...
Ah ! Non ! C'est pas un vrai chien... juste une peluche. Bizarre, l'autre aussi là dans le fauteuil roulant, elle a aussi une peluche, un ours jaune celle-là... ça alors ! J'avais pas remarqué tout de suite, elle a aussi des pantoufles noires à scratch... et l'autre bonhomme là... et celui-là aussi !
Ca en fait combien en pantoufles noires à scratch ? Quatre, cinq, six...huit... douze...
Oh la la , y'en a du monde ici !
Du monde en pantoufles noires à scratch ! Il y a dû y avoir une promo sur les pantoufles noires à scratch... Faudra que je me renseigne, ça a l'air confortable... moi, avec mes cors aux pieds.... Ils ont tous de cors aux pieds si ça se trouve ? On est quand même pas dans la salle d'attente du pédicure ? Si c'est ça, c'est pas près d'être mon tour !
Y'a trop d'monde ici... J'arrive pas à me rappeler comment s'appelle cet endroit...
Mais qu'est-ce qu'on attend tous ici ? Ah oui , Le goûter... quelle heure il est ? C'est pas que j'aie faim... Tiens, le maigre de tout à l'heure qui repasse... j'avais pas remarqué qu'il avait une canne... c'est vrai qu'il est pas tout jeune...
Bizarre, si je regarde bien, y'en a d'autre avec des cannes ! quatre, cinq... six... huit ... avec des cannes ! Est-ce que ce sont les mêmes qui ont des pantoufles noires à scratch ? Voyons, là... oui... oui...ah ! non !... oui... non...
Non, y'a pas de relation pantoufles noires à scratch et canne... Mais c'est vraiment bizarre, j'avais pas remarqué, y'a que des vieux ici... même moi d'ailleurs je suis plus tout jeune...
J'arrive pas à me rappeler comment s'appelle cet endroit...
Ah ! Erreur ! Voilà une jeunesse, bien gironde la petite !
Ah ! Elle apporte le goûter ! Chouette ! Café pour moi, Mademoiselle !
Jolie fille, j'vais pas m'ennuyer, moi, ici, même si je me rappelle plus comment s'appelle cet endroit.
Tiens ! Elle a une étiquette sur sa blouse : "Margot"... Ah, il y a une inscription aussi : "V.A.M.*"
V.A.M. ? Vam, vam...
V.A.M. : Voilà A Manger ?
Peut-être ?...

* Agence VAM (Vivre Avant de Mourir)

 

"Anatole" de Janine NOWAK

« Oui, Mathilde ? Monsieur Anatole demande à me voir ? Quel ennui ! Enfin… Faites entrer, ma fille ».

Ha, je vais devoir encore fournir un gros effort ! Il est désespérant, ce pauvre Anatole ! Il est d’une bêtise, mais d’une bêtise ! Et en outre, il est tellement laid ! Si laid ! Mais voilà… Il a une qualité, une grosse qualité oui,  une très grosse qualité, une énorme qualité, une colossale qualité : il est riche… très riche, immensément riche, follement riche. Alors… je vais lui faire bonne figure et tâcher d’être aimable. Mais quelle épreuve !

« Ce cher Anatole ! Quel bon vent vous amène ?
Vous rentrez de la chasse et, impatient de me voir, vous êtes venu immédiatement, sans prendre le temps de vous changer ! Je me demandais aussi d’où pouvait bien provenir cette puissante, subite et sauvage odeur ? Vous sentez l’hallali, mon ami.
Et vous venez pour ? Pour me parler de moi ! Comme c’est charmant !
Toute la semaine, vous avez pensé à ma bouche ? Oh, mais c’est gentil tout plein. Et ? Et… voilà, c’est tout… ma bouche. Vous n’avez rien à ajouter ? Elle ne vous a rien inspiré, ma bouche ? Si ! Ah, voyons voir. Elle est belle ! Bon début. Elle est rouge ! Normal. Elle est bien dessinée ! Ouiiiiiii !!! Elle est attirante ! Bien Anatole, bien ; mais encore ? C’est tout ? C’est tout ! C’EST TOUT !!!
C’est un peu court, mon ami. Mais si vous aviez un tant soit peu d’esprit, vous eussiez déclaré :
Votre bouche, ma Chère… mais c’est la cerise sur le gâteau !
Votre bouche ?  Elle est charnue comme une fraise des bois !
Votre bouche ?  C’est un écrin carmin renfermant des perles !
Votre bouche ?  C’est un coquelicot écarlate au milieu d’un champ de blé !
Votre bouche ?  C’est la rosette de la légion d’Honneur !
Votre bouche ?  C’est une tomate vermeille qui mûrit au soleil !
Votre bouche ?  C’est la porte de l’enfer !
Votre bouche ?  C’est la pulpe savoureuse d’une grenade dans laquelle on voudrait mordre !
Votre bouche ?  Mais elle nous en bouche un coin !
Votre bouche ?  C’est le pantalon garance du poilu de 14 - 18
Votre bouche ?  C’est le soleil couchant et rougeoyant sur le Bosphore !
Votre bouche ?  C’est un morceau de braise !
Votre bouche ?  C’est le bonnet du Grand Schtroumpf !
Votre bouche ?  C’est de la lave en fusion qui jaillit d’un volcan !
Votre bouche ?  C’est la pièce du boucher !
Votre bouche ?  C’est la rose éclatée sur la blanche chemise du fusillé à l’aube !
Votre bouche ?  Elle est aussi rouge que le petit livre de Mao !
Votre bouche ?  C’est la crête d’un coq !
Votre bouche ?  C’est une fleur de corail !
Votre bouche ?  C’est la muleta du toréador !
Votre bouche ?  C’est la bannière ensanglantée du révolutionnaire !
Votre bouche ?  C’est le rubis sur le turban du Maharadjah !
Votre bou ..
Comment, Anatole ? Heureuse coïncidence, dites-vous ? Pour quelle raison ? Le hasard fait que vous m’apportez précisément… un rubis ! Mais quel à propos, Anatole ! Oh, la belle bague, Anatole ! Comment vous remercier ? Je sais, tenez, je vous l’offre aujourd’hui, ma bouche dont vous savez si bien parler ! Prenez là ; elle est à vous ; usez-en !
Quand vous reverrais-je Anatole ? Dans une semaine. Bien. Et vous me parlerez de mon nez ? Non, laissons cela, Anatole, Edmond Rostand l’a divinement fait. De mes yeux ? Non plus, rien ne pourrait égaler le poème d’Aragon.  De mes cheveux ? Si vous y tenez, je ne connais pas de texte évoquant ce sujet. A dans huit jours, Cher, très Cher Anatole ».

Une semaine plus tard.

« Bonjour Anatole ! Déjà arrivé ? Serais-je en retard ? Deux heures que vous patientez ! Ah quand même… C’est fou, on ne voit pas le temps passer dans les boutiques. C’est que, voyez-vous, je voulais me faire belle en votre honneur, Cher Ami.
Vous avez écrit, Anatole ? Comme c’est mignon ! Et vous me donnez votre texte à lire ! Hé bien pourquoi pas ? La formule est originale. Voyons voir ce que ma chevelure vous a inspiré.
Belle Roxane, vos cheveux sont beaux !  Merci, Anatole
Belle Roxane, vos cheveux sont noirs !  C’est une évidence, Anatole
Belle Roxane, vos cheveux sont longs !  Encore un constat, Anatole
Belle Roxane, vos cheveux sont… huileux !  Mais oui, je lis bien : huileux !!! Mais voyons, c’est une insulte, Anatole ! Mes cheveux sont souples, soyeux, brillants, lumineux, ondoyants, mais pas huileux ! Enfin ! Voyons ! Anatole !
Belle Roxane, vos cheveux sont … Ah non, j’arrête. Je ne peux continuer.
Anatole, parlons plutôt de vous. Vous avez déjà longuement évoqué votre hôtel particulier à Paris, votre pied-à terre Romain, votre chasse en Sologne, votre chalet Savoyard, votre villa sur les bords de la Riviera, votre manoir Normand. Aujourd’hui, racontez-moi… votre coffre à la banque. Mais oui. C’est si beau un coffre bien solide, si poétique !
Allez, je ferme les yeux, faites moi voyager et rêver, Anatole.
La clef, où est la clef,  Anatole ? Toujours suspendue à une chaînette autour de votre cou. Sage précaution, Anatole.
Le code, Anatole ? Comment pouvez-vous être certain de ne jamais l’oublier ? C’est votre date de naissance ! Trouvaille grandiose !
Nous arrivons dans la chambre forte. Partout des rayonnages remplis de lingots d’or. Oui, oui, oui. Et aussi, bon nombre de sacoches pleines, évidemment, de Louis et de Napoléon.
Et cette petite niche ? Dites, dites, Anatole ? Elle renferme des bijoux, avec le fameux diadème que portent depuis des générations les jeunes épousées de votre famille.
Et là, des dollars, des liasses de dollars.

Haaaaaaaaaaa, Mon Cher, mon fougueux Anatole, vous savez si bien parler aux femmes ! ».

 

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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