SAMEDI 7 Décembre 2019
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
"Vives incitations - année 2"

Animation : Régis MOULU

Thème : Donner matière à réfléchir

Il est toujours troublant et enrichissant de faire en sorte qu'une œuvre « rende plus grand » son visiteur. Maîtriser le sens d'un message, et qui plus est, de façon subtile afin de ne pas donner une leçon à son auditeur, est tout un art tant il s'agit de lui laisser l'espace et le temps de sa réflexion. Ainsi, par exemple, par le ressenti ou par un drame contrariant, il y a moyen d'occasionner ce travail de la pensée. C'est avec ce vecteur puissant que nous avons travaillé au cours de cette tonifiante séance.


Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), le sujet suivant a été énoncé en début de séance : rédiger un texte engagé (dans le sens de « fortement positionné ») qui plaide « pour » ou « contre » (ou « pour et contre ») l'humilité (sentiment de sa propre insuffisance qui pousse à réprimer tout mouvement d'orgueil).
Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support exposant les techniques formelles d'une structuration de récit et d'une argumentation soutenue qui laisse de la place à la réflexion de l'autre a été distribué en ouverture de session... c'est top !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):


- "Le con" de Nadine CHEVALLIER

- "De quelques reflets" de Marie-Odile GUIGNON

 

 

"Le con" de Nadine CHEVALLIER


« Quel con ! Mais quel con ! Plus con que moi, y’en a pas ! » fulminait l’assassin en tapant du poing sur son volant.

Comme phrase d‘introduction, c’est pas mal, je trouve.
A présent, vous vous demandez bien pourquoi cet assassin se pense au summum de la connerie, n’est-ce pas ?
Souvenez-vous …
Souvenez vous qu’il vient de rater son crime contre l’homme grand et maigre à cause d’une imbécile de montgolfière…
Il n’y a pas de quoi se sentir fier quand on n’a pas tout bien planifié. Bien sur qu’il aurait dû se tenir au courant des évènements organisés pendant cette journée et envisager tous les possibles ? Mais non ! Monsieur se croyait le plus fort, le plus audacieux, le plus ingénieux. Et voilà il a raté !

L’assassin ruminait : « Non seulement je rate le mec mais en plus j’attire l’attention sur MA friche. Personne n’y touche depuis trente ans, j’y veille. Pas question qu’on y construise quoi que ce soit. Mon œuvre ne doit pas être révélée, pas encore. C’est moi qui décide du quand et du comment. Alors que faire à présent ? J’ai prévu encore dix années de travail. Du bon travail, du top niveau comme pour les trente vieux amis qui dorment là-bas. Trente réussites, pas une erreur en trente ans. Et voilà ce mec, mon seul échec. Toutes ces allées et venues sur le terrain, est-ce que ça va me mettre en danger ? C’est juste à côté du vieux Émilien, pas loin de la Bertille. Je les situe tous. S’ils en trouvent un, vont-ils chercher partout ? Ou pas ?
Donc deux options. Soit , un, je quitte la région, je file ni vu ni connu en Argentine ou ailleurs. Je me fais une nouvelle vie, une nouvelle œuvre peut-être ? Hum, pas évident. Soit, deux, je reste, j’attends. Peut-être qu’ils ne vont pas faire le rapprochement avec moi. Quel lien pourraient-ils trouver ? J’ai toujours été le meilleur, jamais soupçonné pour aucune des disparitions mais s’ils trouvent les cadavres ? Maintenant avec ce fichu ADN, on ne peut plus tuer tranquille ».

Alors là, vous serez d’accord pour dire avec moi que cet assassin mérite d’être attrapé. Qu’est-ce qu’il se croit le type ?
Et si on donnait un coup de pouce au destin? Eh oui, moi qui écrit ce texte, j’ai ce pouvoir. ah ! Ah !

Dans le journal du lundi l’assassin pouvait lire à la une : « Découverte macabre à Saint Kléber des Étangs. Lors de son naufrage dans la friche du quartier sud, la montgolfière a creusé un profond sillon dans le quel vient d’être mis au jour le cadavre d’un homme. Il pourrait s’agir du Père Émilien Desbordes disparu en 2013. La police enquête. Voir notre article en page 2. »

Et hop ! Je vous l’avais dit. Qu’est-ce qu’il va faire l’assassin maintenant ?

Il s’énerve bien sur.
« Aïe, aïe, aïe, le con, le con, le con - là je mets la dose, c’est pour toutes les fois où j’ai été trop polie - le con !
Fuir ou rester, telle est toujours la question. La fuite, c’est la lâcheté, je ne suis pas un lâche. Et quelque part, ce serait signe mes crimes alors qu’il y a encore une chance qu’ils ne me trouvent pas, je suis quand même le meilleur dans ma branche. Attendons comme si de rien n’était. »
Le lendemain, dans le journal, l’assassin a lu : « L’assassin s’est-il trompé de cible ? Monsieur Bertrand Delamare, candidat aux prochaines élections municipales était-il visé pour son projet de relancer la maison des associations ? C’est ce que la police a tout d’abord pensé. Or, il s’avère que ce n’est pas Monsieur Bertrand Delamare qui a été attaqué dimanche dans la friche du quartier sud mais bien son frère jumeau , Monsieur Bernard Delamare. Parti depuis plus de 40 ans, Monsieur Bernard Delamare rentrait d’Australie où… »
L’assassin jette rageusement le journal.
« Le con, le con ! Un erreur sur la personne en plus ! J’ai vraiment pas de bol en ce moment …
Eh, dis donc, toi qui écris mon histoire ! Pourquoi tu t’acharnes ? Tu me fais le plus orgueilleux des assassins et tu t’obstines à me mettre des bâtons dans les roues. Tu cherches quoi au juste ?... »


"De quelques reflets" de Marie-Odile GUIGNON


L'humilité est un mot abstrait à la fois féminin : « la » humilité et masculin par sa terminaison : « té » non pas « tée » un mot non genré donc un terme de complétude.
En premier lieu, il me semble utile de me documenter sur ce que nous en disent les dictionnaires de différentes époques qui sont à ma portée. Le mini Robert de 2015 indique que « L'humilité est le sentiment de sa propre insuffisance qui pousse à réprimer son orgueil », le plus petit Larousse de 1946 indique que « L'humilité est la conscience de notre faiblesse, un acte de grande révérence envers quelqu'un ». Soixante douze ans séparent ces deux informations. Il y a là matière à penser par rapport au temps et à ses événements.
L'humilité contraint les humains dans le sens où, d'après 2015 si elle prêche la modestie, la connaissance de ses propres limites, en conséquence la frustration qu'elle assène à l'orgueil, cet autre sentiment de force, de certitude de sa propre valeur, elle étouffe la nécessité de se sentir exister. Actuellement en ce vingt et unième siècle, la puissance des privilégiés élimine le sentiment d'insuffisance en donnant naissance à mille frustrations humaines. Pour dominer ses semblables, il suffit de les humilier à outrance. Hitler et ses disciples l'ont expérimenté dans la première moitié du vingtième siècle en programmant l'extermination d'une partie du genre humain...
Est-ce en référence à cette période que la définition de 1946 évoque la faiblesse ou fragilité de l'être humain, un être vulnérable donc éprouvant des souffrances, que peuvent alléger l'admiration, car cet acte de grande révérence, de grande considération ou estime envers quelqu'un, les détourne du sentiment de l'humiliation. L'estime d'un autre sublimé entraîne l'identification. Tant de gourous dirigent les peuples...
Dans le vivre au quotidien, nos passés influent notre présent. Je considère qu'il est nécessaire de se passionner individuellement sur la construction de notre amour-propre. Il dépend tellement de nos ressentis élaborés par l'humiliation ou la valorisation de notre personnalité.
Je suis convaincu que la connaissance de soi est une construction de clairvoyance entre l'histoire personnelle et l'histoire humaine en général, le développement de leurs interrelations est un éclairage sur la compréhension du monde. Les grands thèmes humains suscitent la réflexion, l'humilité les transcende.
Finalement, je pose comme étant indiscutable que l'humilité doit être ressentie comme une force intérieure existentielle à cause de sa complétude, car il suffit d'observer la nature (Flore et Faune) pour en découvrir les preuves : les définitions de la nature (Flore et Faune) sont plus larges, plus précises, plus fiables que les dictionnaires et même Google...

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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