SAMEDI
4 novembre 2006
dans le cadre du cycle Animation : Régis MOULU
Thème :
Cette technique ludique nous permet : A la fin, chacun a lu la feuille qu'il a inaugurée, dans la folie d'avoir pu constater que "l'interaction collective" a été porteuse.
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Sont à ce jour consultables (dans l'ordre): - "Vie de bottes" de Janine BERNARD - "Seule" de Janine NOWAK - "D'ici là" de Rémi DANO - "Des bagages qui mènent nulle part" d'Angeline LAUNAY - "Pourquoi pas" de Séverine CHAISE - sans titre d'ARGOPHILHEIN - "Le destin d'un arbre ou l'arbre du dessin, dessein ?" de Marie-Odile GUIGNON - "Les yeux de Rosetta" de SRIBUS -"Ces conseils tu suivras, prince charmant tu seras" de Régis MOULU
Thème choisi : Le vécu d'une paire de bottes
en automne - Toinette tu dors ? Nous avions une vie assez caoutchouteuse jusqu'au jour
où nous sommes tombées amoureuses de deux chaussettes siamoises, nous
qui étions jumelles. Nous les avions appelés : "Lui" et "l'Autre" afin
d'avoir chacun le sien. Nous les retrouvions à chaque fois dans des
états différents : ils étaient fumants, troués, la tête sur la queue
quand les chaussettes étaient usées et avachies sur elles-mêmes. L'Un fut chaussée avec Toinette et l'Autre chaussait Germaine
par des pieds parfumés au laurier-sauce… Bottes crottées de l'orteil au mollet, Toinette et Germaine savent ce qui les attend désormais : une toilette bien douce, histoire, pour elles, de se refaire une beauté. Application d'une crème de jour aux senteurs provençales servira de base à l'application du fond de teint. Croyez vous qu'un peu de rouge à lèvre, fera assez coquet ? - Certes ! Mais où nous embarquent ces pieds souples
et décidés ? Quelque part ? Ailleurs ? Germaine et Toinette s'en étaient allées pour une promenade
tout à fait nouvelle et étrange qui leur rappelaient toutefois, des
souvenirs d'enfance. - Mais non, dit Germaine. Regardes toutes les bottes,
les chausses, et aussi de nouvelles bottines sont là, devant l'âtre
de la cheminée : le feu clignote de joie devant tous ces pieds revêtus,
protégés et venus d'ailleurs : mystère du feu. Cela sent bon la vie,
l'ame se réchauffe et… Bon, voilà, je m'appelle Karl Lagersfeld, je suis styliste chez Chanel et je me fous royalement de Germaine et de Toinette. Tout ce qui m'importe, c'est la prochaine collection et on va en "manger" de la botte ! En cuir, en sky, en daim, en fourrure, avec ou sans talon, dans toutes les couleurs de l'arc en ciel. Alors, si Germaine et Toinette ne sont pas contentes, qu'elles le disent tout de suite, car je ne veux pas sa "boter" ma collection à cause d'elles ! Et puis, hop, voilà qu'une paire de jambes interminables enfilent nos deux commères et les entraînent sur le podium. Même pas le temps de dire "ouf", les voilà éclairées, pleins feux, à coup de flash sur les semelles, aussitôt parties, aussitôt revenues, une chose est sûre. Elles n'ont pas tout suivi. Et les semelles commencent à s'user. Le temps de la collection touche à sa fin. Les kilomètres des défilés se font sentir dans les bottes. Toinette et Germaine sont lasses, c'est vrai. Toinette a bien remarqué que Germaine était trouée. Mais elle n'a rien dit, pour ne pas la vexer ou l'effrayer. Ca a beau être un défilé vintage grunge, Karl ne va pas, pour autant, tout accepter. La fin est proche. Où sont les dimanches champêtres et crotteux où les deux comparses s'en allaient marquer de leurs empreintes éphémères les chemins de traverses ? - Toinette, ça va mieux ta douleur au talon ? La dernière vision de Germaine, avant de fermer les yeux,
c'est une dent monstrueuse en acier qui frolait son mollet douloureux
et le cri de Toinette presque inaudible dans le vrombissement ambiant.
- Eh ! Karl, vise un peu, pas mal les bottes ! Et un bras tout violacé l'a saisie par le collet. Elle a senti l'odeur d'un pied repoussant. - Il y a des retraites pires que la mort… s'est-elle
entendu dire en récupérant un peu de souffle. Et puis, très vite, elle
a tourné la tête vers la droite. - Increvable les bottes en daim, a dit la voix chevrotante. J'avais presque les mêmes avant que tu claques tout notre fric au Casino. Eh Karl, je te parle ! Germaine a fait un clin d'œil à Toinette. Un défilé chez les clodos… peut être, mais que des célébrités !
Thème choisi : La femme et ses mystères Les yeux dans le vague, alanguie sur le canapé du salon,
elle s'imaginait frottant sa lampe d'Aladin ; et voici qu'apparaissaient
tous les personnages de son cinéma personnel.
"D'ici là" de Rémi DANO et cie... Thème choisi : La perte ou l'oubli. Sur les bancs, sous les arbres, sur les quais de Paris,
Sous les bancs, sur le feuilles, le vent froid de Paris,
A côté des bancs, tombant des arbres, une bise capitale
Près des bancs, sous la pluie, La pluie n'en finit pas de pleurer. Sur les bancs, sous les arbres, sur les quais de Paris
Un enfant a perdu sa balle et la cherche en courant, Sur les quais de la Seine Et le chat malin guète, les moustaches en avant, Sur l'asphalte mouillé, "On s'est connu Puis ses yeux verts ont dépassé la lumière Au feu tricolore, j'ai traversé Que deviendrai-je demain ?
"Des bagages qui mènent nulle part" d'Angeline LAUNAY et cie... Thème choisi : Péripéties dans un hôtel. - C'était la première fois que je passais la nuit dans ce genre d'hôtel. J'avais réglé tous les préliminaires par carte bleue à l'extérieur, et je me trouvais maintenant dans le hall d'entrée, mes bagages à la main. - Il faut dire que j'avais passé une folle journée, une de ces journées où l'on se dit qu'il doit y avoir un rigolo là-haut qui tire les ficelles, juste histoire de voir jusqu'où il peut pousser la plaisanterie… Et là, dans le hall de cet hôtel, je compris que la journée n'était pas terminée… - J'attendis au pied de mes bagages, perplexe. Rien, rien ne se passait. J'étais fort songeuse… lorsque brutalement un homme vint à moi, le sourcil grimaçant. Je sursautai… - Ce regard froid était la seule note discordante dans ce physique de jeune premier. - Je me réveillai en sursaut, le visage, d'après mes proches, blême, suffoquant, toussotant, les yeux creux, tremblant, presque en " transe ", bref pas bien du tout, et bizarrement, parlant sans cesse d'un hôtel et d'un homme ; mais " heureusement " ce n'était qu'un rêve. Ouf !!! - Du coup, je décidai de me lever malgré l'heure très matinale, d'avaler mon café en vitesse et de sortir pour marquer de mes pas cette neige toute fraîche qui n'en finissait pas de dégringoler en plein mois d'août. Ce pays avait quand même quelque chose d'extraordinaire et je m'en allai percer les mystères de la vie d'ici. - J'avançai avec difficulté dans cette neige, fis le tour de l'hôtel, quand tout à coup, le chemin se dégagea pour mener à une maison. Je pris ce chemin, contente, légère, soulagée de ne plus être enneigée. A la porte de la maison… un homme… Stupéfaction ! Je reconnus le jeune premier au regard menaçant. - Je restai coi, quelques instants. Il me dévisagea de son regard noir… - C'est vous qui avez oublié vos bagages dans le hall de mon hôtel, rue Marcel Cerdan - 13220 - à VEAU-LE-TETANT ? La phrase résonna plusieurs secondes dans les tréfonds de mon être. Il faut dire que, de ma vie, je n'étais jamais descendue dans ce lointain département des Bouches-du-Rhône ! - Retrouver mes bagages à Veau-le-Têtant dans les Bouches-du-Rhône ! En voilà un projet… Alors que la neige s'était remise à tomber, et que la grande horloge électronique au-dessus du feu rouge marquait " 31 août ", 15 H 15. C'était un cauchemar cette planète où je divaguais depuis des heures… Et Marcel Cerdan, pourquoi était-il mort, celui-là ?... si jeune, si beau, si fort et amoureux de son Edith comme un taureau aux abois ! Est-ce que j'étais amoureuse moi ? - Non, j'avais à découvrir ce rêve infâme et ces bas-fonds où mes pas ouatés me dirigeaient. …/… - Il faisait froid, j'avais chaud. Il faisait tellement froid que la neige était au moins à - 0° C. " J'avais les pieds bleus, marbrés en violet. Quelle petite sotte j'étais à avoir oublié de mettre ce matin des chaussures. Et pourtant, je laissais des traces de pas " façon dessins de pneus " dans la ouate. Une cuvette masseuse : je n'avais plus que ce rêve en tête. J'appelai donc la réception sans dire " allo ". - A Veau-le-Têtant, rue Marcel Cerdan, le réceptionniste de l'hôtel m'annonça que je n'étais pas notée sur ses registres, mais qu'effectivement des bagages y avaient été retrouvés portant mon nom et mon adresse… Et que le Directeur de l'établissement était venu en personne pour les rendre… et qu'il était effectivement très beau… C'était un ancien acteur de films X. - Que me fallait-il négocier pour retrouver ma sérénité ?... une chambre chaude, un lit douillet… Je ne pouvais pas m'installer dans ma valise ! - Tout d'un coup, je compris : Raymond Devos - me direz-vous ! Eh oui, tout comme lui, j'avais été victime de ma valise qui avait souhaité se faire la malle. Encore heureux qu'elle n'ait pas eu l'idée de la cantine de mon boulot… j'aurais été la risée de toutes si elle avait été déposée, mal ficelée au centre du réfectoire ! Vous imaginez… - Tout ça finalement n'était qu'une histoire de valises oubliées, d'hôtel paumé dans les Bouches-du-Rhône, et de veau têtant qui ne semble avoir aucun rapport avec un homme très beau bien que classé X ! Il ne me restait plus qu'à retourner dans le hall d'entrée où j'avais remarqué que quelques braises restaient encore dans la cheminée… Et j'avais vraiment besoin de me réchauffer !
"Pourquoi pas" de Séverine CHAISE et cie... Thème choisi : Pourquoi pas Un matin de brume sur Paris, à l'aube, tout est calme,
le ciel n'appartient qu'aux ailes et aux regards matinaux. La mouette
s'attarde au sommet de la tour et du haut de son plongeoir cherche :
Ce tableau monochrome et chaleureux lui rappelle son chez-elle, et puis l'odeur iodée de l'écume charriée par les vents tourbillonnants de la côte jusqu'à ses narines ridicules. " Aaahhh ! Pourquoi pas. Pourquoi pas… " Et pourquoi pas, plutôt, vers un je ne sais où ? Où me mèneraient mes ailes si je m'élançais de si haut ? La hauteur ne m'a jamais fait peur. Et cette trouée bleue, là, juste à l'angle de la Seine qui brille de tous ses feux. Le soleil est haut et le froid vif mais sur la péniche rose, tout en bas le petit pignon de pain démange bien le bec. L'espoir de quoi ce matin ? Manger ? Se perdre ? Se retrouver ? Se rappeler de quand elle était " œuf " ? Ou s'endormir comme un pigeon que les gaz d'échappement auraient figé et grisé ? A peine eut-elle fini de planer dans tête de moineau améliorée qu'elle fusa vers la péniche, les pieds palmés en premier. Cette mouette, fille d'un moineau et d'une cane, tel un animal mythologique, atterrit comme un cygne sur la péniche. Et là, sur le pont, la fenêtre odorante de la cuisine. Une petite faim, due à ses efforts intellectuels matinaux, l'incita à pénétrer. " Il fait bien noir dans ce local… Qu'est-ce qu'il
y a croquer ici de si parfumé ? " Un vol au vent trônait sur la
table : d'un coup de bec elle s'en empare et d'un coup d'ailes tente
l'escapade : badaboum, ploum, tapoum, raboum, blingueboum, blingbinding,
dingzing… zing… ing... Pourquoi pas ci, pourquoi pas là ? La tête ébouriffée
et le cœur émoustillé par ses facéties, sans réfléchir la mouette reprend
son chemin. Elle s'est bien embarquée sur le " pourquoi pas "… maintenant, elle le sait, elle en est sûre. Cette carcasse mille fois transformée, elle a eu raison de la suivre. Car, il ne faut pas en douter, ses cales recèlent un mystère plus précieux qu'un trésor. Alors que faire ? Partir ou rester ? Oui, mais je rêve d'une plus longue aventure et j'irai bien avec mon groupe de théâtre en Russie dit-elle, demander conseil à Monsieur Anton Tchékhov lui qui sait tout de moi et des autres mouettes. D'un autre côté, si je pars, si je quitte Paris, je ne reverrais plus MOUETTITOU, l'amour de ma vie. Bien sûr, on me rétorquera qu'il faut souligner sa volonté de ne pas laisser arrêter par des considérations d'ordre sentimental. Ah, l'amour… Personne ne la sait encore, mais la " pourquoi pas " est un langage codé, qui a été " inventé " par le Mossad, les services secrets israéliens dans les années 50-60. En fait, il s'agissait en utilisant cette expression de faire passer des messages dans lesquelles l'expression était utilisée, " on passait " ainsi des messages. Et prenant son " pourquoi pas " sous le bras, notre mouette décida d'aller casser la graine chez son vieil ami notre damier du coin de la rue, histoire d'évoquer leurs idées de toujours et leurs interminables débats, elle en était sûre maintenant, l'espoir naîtrait de là.
sans titre d'ARGOPHILHEIN et cie... Thème choisi : La guerre. Y a-t-il une guerre juste ? Jusqu'au début du XXème siècle, les historiens dans leur majorité et la presse qui prenait le relais n'ont eu de cesse de le prouver. L'après- seconde guerre mondiale et ses atrocités - gazage et bombe d'Hiroshima - ont développé une nouvelle dimension au concept de guerre, appelé crime contre l'humanité. Mais qu'en est-il actuellement ? Justice et guerre peuvent-ils toujours être considérés comme des synonymes ou inversement comme des antonymes, des antithèses ? Pourquoi faudrait-il toujours comparer les sens des mots sous forme de dualité : pour-contre, blanc-noir, vérité-mensonge, bon-mauvais, guerre-paix, justice-injustice, toujours-jamais ? La terre offre mille et un bonheurs que l'avidité humaine oublie de sentir, de palper et de jouir. Au nom de quoi ? Justice, guerre ... et pourquoi pas tout simplement par soif de pouvoir de l'un par rapport à l'autre. L'humain oublie qu'il n'est qu'un élément du vivant et sa soif de domination l'entraîne sur des chemins destructeurs. Il s'élimine. Il crie vengeance ... et ce processus n'a pas de fin. S'il y a une guerre juste ? Guerre rime aussi avec lutte, défense... La guerre contre la pollution, la guerre contre l indifférence, la lutte contre l'extinction du guépard d'Afrique... des poissons également. Pouvez-vous imaginer une mer sans poissons ? On parlait de partage dans un essai précédent . Il faut se solidariser afin de freiner l'appétit de l'homme à se battre pour une terre ; important bien sûr mais n'avez-vous pas remarqué que c'est toujours pour un tout petit bout de cette terre qu'il se bat ? L'homme est exigeant. Il veut toujours voir plus loin que le monde "étriqué" (d'après lui) où le hasard l'a fait naître. Et ce "plus loin", depuis la nuit des temps, il souhaite se l'approprier, en faire "sa chose". Comment être pour la guerre ? C'est un non-sens ! Mais en même temps, nous menons tous les jours, tout le temps, aussi anodines soient-elles, des guerres contre la bêtise humaine, contre l'in- justice, contre des croyances absconses et inintelligibles. Et tout cela pour récolter quoi ? La peur, la terreur, le malheur, accumuler les rancunes, les vengeances ... Pour récolter la paix ! Tout ça, c'est une histoire de référentiel. Les hommes se feraient moins la guerre s'ils se comprenaient et s'écoutaient. Dans mon référentiel, ce que tu fais, c'est de la barbarie. Dans le tien, ce que je fais, c'est du vol qualifie. Il n'y a pas de torts, que des raisons. Prenons donc le temps d'apprécier nos différences. Pour apprécier une différence, il faut déjà percevoir que l'autre est différent. Hors nous passons notre temps à projeter sur l'autre ce que nous sommes et ce que nous pensons. Et mutuellement : moi, je ..... moi, je..... L'autre, lorsqu'il en a assez, se rebelle. Et badaboum ! Hiroshima et compagnie ! Ecouter, comprendre, accepter. Trois verbes pour embrasser le monde et le monde nous embrassera. Utopique, non ? "Pas si utopique que cela" si nous entrons à partir de maintenant dans la résistance. Je rêve de valeurs qui nous permettent de grandir, grandir assez pour comprendre notre petitesse, assez pour avoir l'humilité pour se rappeler qu'on est tous au départ qu'un peu d'humidité... et que c'est seulement après que le temps se gâte, que la prétention tourne à l'orage. En somme, ce qui nous sépare, c'est notre universelle petitesse et ce qui nous unit, c'est notre faculté individuelle d'aimer. Entre humanité universelle et intérêt particulier, la guerre s'érige en justice. Mais pour qui ?
"Le destin d'un arbre ou l'arbre du dessin, dessein ?" de Marie-Odile GUIGNON et cie... Thème choisi : Histoire d'un arbre. Il était une fois une petite graine qui avait décidée
d’aller pousser ailleurs qu’à l’ombre de la ramure de ses ancêtres.
Elle partit donc à la recherche d’un terrain pour germer en se blottissant
dans les bras du vent. « C’est pas bientôt fini de m’appeler « La petite graine
»! Dites-moi, celui-ci compte refaire mon éducation florale ou quoi
? Non, pour cette année j’abriterai bien les fourmis, d’accord, mais
j’espère pousser bien assez vite pour voir ce qui se passe un peu plus
haut. En attendant, observons ce qui se passe par ici ». Et voilà la découverte ou la révélation : la petite graine n’était qu’une …qu’une enveloppe d’arbre… Et il avait fallu toutes ces aventures quelque part dans le monde par le plus grands des hasards… Le hasard fait-il bien les arbres ?
"Les yeux de Rosetta" de SCRIBUS et cie... Thème choisi : Voyage intérieur Stazione termini - Roma. En effet, Rosetta venait de rompre après quinze années de vie commune pleine d'un amour passion fou ! Ne lui demandez pas pourquoi ? Elle ne vous répondra pas, non pas qu'elle ne le sache pas, par pudeur sans doute. Et pourtant… Quand le passé revient par bouffées, on risque d'être inconsolables. Rosetta, ce nom fait penser à un film de Fellini ou de Visconti, ce nom flirte avec l'amour et l'imaginaire. Elle nous renvoie comme par magie dans son plus for intérieur, et dans son espace si personnel, précieux et à la fois ambigu. Finalement, qui est Rosetta, nous la connaissons bien mal, non ? Alors, elle prend ses palmes et son accordéon, et décide d'avancer, là, maintenant, de regarder droit devant, et d'imaginer de quoi elle pourra repartir. Peut-être de cette chanson fredonnée par le jeune homme qui passe près d'elle à l'instant, il y'a encore tellement à faire dans sa vie. Elle le suit. Ils ne se parlent pas, mais comprennent vite qu'ils vont poursuivre leur route ensemble. Découvrir le monde et traverser les océans à la palme en chantant. Lui est pêcheur de " poisson trompette ", ça tombe bien. Pourtant, il l'avait d'abord pensée touriste pressée, mélomane à ses heures, et désireuse de lorgner sur les fonds rocailleux de la méditerranée. Mais son regard perdu et son pas souple comme en apesanteur, semblant la mener malgré elle, l'avaient vite charmé et uni à cette mystérieuse étrangère. Des poissons trompettes, il en pêchait des pleines caisses. Sur la criée, ils se vendaient bien et la robe rouge de Rosetta malgré ses yeux pâles, dans le vague, ferait d'elle une vendeuse des plus présentables. Rosetta aimait-elle le poisson ? Rosetta aimait-elle la trompette ? Il n'osait le lui demander. Sa main serrait la sienne et le port approchait. Aimerait-elle le port ? Lui agripperait-elle sa main ? Calmerait-elle ses ardeurs carnivores et sa passion amoureuse ? Ferait-elle enfin quelque chose pour estomper son teint d'anchois ? Sa tête était comme une corne de brume, son cœur flottait comme une bouée de démarcation, c'était le moment pour dire… Tu veux ou tu veux pas ? Non c'était trop abrupt. Et puis, même dans le fond d'un petit bateau, ils ne passeraient pas incognito. Et si elle était une femme à l'amour bruyant, aux gémissements intrépides ou furieux ? Ou une amazone qui aime frapper sa monture ? Valait mieux attendre un petit coin plus tranquille, une chambre discrète où il pourrait enfin la connaître et lui dire… Le cœur de Rosetta tanguait au fond du bateau. Pourquoi s'était-elle embarquée dans cette galère ? La mer devenait de plus en plus houleuse et son estomac se remplissait de dégoût. Sa tête n'allait pas tarder à éclater. Rosetta pétrie par la peur n'osait surfer sur un souffle d'espoir. Dans sa tête se mêlaient autant de scénettes pitoyables que de bonheur à l'état pur. Aurait-elle assez de courage pour lui dire… Tu sais, tout ça ne rime pas à grand-chose. Pourtant, souvent j'ai beaucoup d'espoir mais pas ce soir. Regarde, mes yeux changent de couleur. Quand ils sont verts, j'ai envie mais quand ils virent au jaune, j'ai envie de fuir. De me fuir. De te fuir. Attendons demain…
"Ces conseils tu suivras, prince charmant tu seras" de Régis
MOULU et cie... Thème choisi : Tout ce qui est au programme du CAP
(Certificat d'Aptitude Professionnelle) de prince charmant. Pour le bien-être de sa belle : Leçon n° 1 : cacher toutes les friandises de son domicile lorsque sa belle lui rend visite. Leçon n° 2 : ne pas manger de saucisson à l'ail avant de lui rendre visite mais grignoter de la réglisse pour augmenter sa tension. Leçon n° 3 : apporter le plus grand soin à sa tenue vestimentaire en l'imprégnant subtilement de charme aimanté, irrésistible au toucher. Leçon n° 4 : être soi, rire et jouir de la vie dans son intérieur pour encore mieux le partager avec elle. Leçon n° 5 : se déguiser épisodiquement en Robin des bois, cheikh d'Arabie, corsaire du roi ou autre rôle évocateur pour accueillir sa promise, le soir au coin d'un bois. Leçon n° 6 : la surprendre. Leçon n° 7 : Elle craquera, mais non plus pour les bonbons. Elle craquera obligatoirement devant tant de merveilles, surtout si dans la grotte où s'offrent des stalagmites fondantes, elle se baignera nue et s'imbibera de l'eau emplie de baisers étoilés. Leçon n° 8 : Il devra se laisser aller à sa fantaisie et à sa désinvolture naturelle. Un exemple ? Il pourra, tel un Roméo, revêtu d'un costume satiné, interpréter des chansons de Luis Mariano sous le balcon de son aimée. Conseils : Leçon n° 9 : apprendre par cœur la formule "en chocolat, tu te changeras" afin de pouvoir satisfaire sa gourmandise et son imagination quand elle s'essaie à faire la grand chef cuisinier. Leçon n° 10 : apprendre à donner quelques friandises au compte-goutte avant de partir travailler pour que l'attente de la journée soit plus légère et les retrouvailles du soir riches, souples et gaies. Leçon n° 11 : lui dire qu'elle est belle et que, nan, elle n'a pas grossi (du moins, il n'a pas remarqué). Leçon n° 12 : faire la vaisselle sans rechigner (NB : une princesse ne fait jamais la vaisselle !). Ou acheter le sort de "machine à laver la vaisselle" (en vente chez tout bon alchimiste). Leçon n° 13 : se brosser les dents au moins une fois par semaine (cf. leçon n° 2) avec des racines de gingembre, une langue de griffon ou de la barbe de merlu (lui demander poliment). Leçon n° 14 : être attentif à chaque phrase ou histoire qu'elle raconte afin de découvrir tous les mots susceptibles de la blesser. En dresser la liste et instaurer un décret définitif les bannissant à tout jamais du Royaume de l'Amour. Et pour éviter tout dérapage verbal inopiné, frotter à chaque instant, toute parole avec le dentifrice du bonheur celui qui émaille les conversations de mots doux à entendre, par elle, évidemment en premier lieu. Leçon n° 14 bis : en cas de gaffe, dire que c'est son
côté grenouille qui a coassé, et que cette ventriloquie ne durera pas.
Dépasser cet air con en faisant des phrases longues pour qu'elle n'y
comprenne plus rien et que cette forme de charme qui est l'idiotie la
gagne elle aussi. |
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Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet ! |