SAMEDI 4 octobre 2025
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du Cycle "Techniques fécondes, tonique faconde - année 3"

Animation : Régis MOULU

Thème : Créer un "grand opéra" d'interactions

Dans un roman, nous pensons souvent et prioritairement à créer des personnages. Et si nous nous focalisions davantage sur leurs relations ! N'est-ce pas cela qui nous définit le mieux, nous traduit et nous trahit à la fois ? Parle-moi et je te dirai qui tu es ! Nos liens, nos liaisons, nos échanges, nos sentiments, nos désirs partagés, nos calculs, nos projections font partie de cette belle besace que nous allons détrousser au cours de cette complice séance.

Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), le sujet suivant a été énoncé en début de séance : Écrire un texte qui mettra en avant une relation riche et évolutive entre deux ou plusieurs personnes. Par ailleurs il comportera ces 10 mots (à utiliser dans l'ordre qu'on veut, mise au pluriel ou conjugaison possibles) : arroser (ou arrosé/e) - berger - cuisant/e - douteux - folâtrement - genou/x - guirlande - inconstance - onde/s - par mégarde.
Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support comportant notamment une liste de tous les enjeux interpersonnels les plus féconds a été distribué en ouverture de session.

 

 

 

 

 

 

 


Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):


- "Offre-toi l'inconstance joyeuse" de Régis MOULU



"Offre-toi l'inconstance joyeuse" de Régis MOULU, animateur de l'atelier

Dessin produit en début de séance. Priorisant l'inspiration intuitive et concrète, j'ai commencé par faire une ébauche des deux protagonistes de mon histoire, puis ai écrit mon récit en me focalisant sur eux et leur relation, comme si je ne les connaissais pas.


Hector se rendit dans la montagne pour y chercher un creux, celui du rendez-vous avec le berger. L'homme voulait changer de vie, pour l'instant, il n'avait changé que de lieu. À la première brebis croisée, il fut rassuré et inquiet à la fois. Rassuré d'être " agissant ", inquiet d'avoir agi. Survient l'idée de rebrousser chemin : pourquoi en effet précipiter son futur ? Il eut peur que cela traduise une quelconque prétention. À trente-cinq ans, a-t-on encore besoin d'être prétentieux ? Folâtrement, l'ovin s'approcha de lui. Alors il vit en l'animal un message, mieux : un messager qui lui disait : " sors du troupeau et offre-toi l'inconstance joyeuse, elle pourrait très bien s'avérer être la mère de ton bonheur ! " Il mit un genou à terre, ce qui rapprocha la bête dans un allant de danseuse à gros cul, arracha une généreuse fourragère à sa portée et la tendit vers cette herbivore qui se trouva comme aimantée. Brusquement, avidement, grossièrement, la gueule en chaussette s'empara du trésor vert. Instinctivement, Hector savoura cette relation naissante, caressa la tignasse de la gourmande et s'aventura même à prodiguer quelques gratouillis. Tout se fit de part et d'autre avec une spontanéité qui, on se doute, exprime plus que tout la vie, ou plutôt " la vitalité qui nous prête vie ". C'est avec la main grasse qu'il poursuivit son chemin, comme hanté par l'œil de la brebis que la grosseur et la protubérance avaient rendu " topaze ". En fin de compte, ne porte-t-on pas en chacun de nous le regard de quelqu'un d'autre jusqu'à notre tombeau ? Dan son dos, les pans de son manteau s'ouvraient à chaque pas si bien qu'on eut dit un sécateur. Notre homme était un élégant, un produit de la ville, un pratiquant de manières. Son cheveu ajusté lui garantissait une fraîcheur, sa barbe courte taillée une souveraineté, sa moustache vigoureuse telles deux gerbes d'eau présumait de sa hardiesse, peut-être même de son impertinence, à vrai dire de sa fougue. Il ne se pensait pas " beau " mais l'était. Par contre, il se savait inabouti, ce qui le rendait aventurier, insatisfait, impulsif. Là était sa mort. Ses souliers ripèrent parfois sur les cailloux. Le chemin était austère, et même de plus en plus douteux sous l'effet de la pénombre conquérante. Sa blancheur dessinait néanmoins une guirlande qui se perdait au loin, une drôle de boussole. " Pressons-nous " s'infligea-t-il ! Et, au fur et à mesure que son " derrière lui " grandissait, il se sentait comme soulevé, poussé, projeté vers l'avant. Progressivement, un falot prit forme. Accroché au toit d'une petite maison, il invitait à la rallier. " C'est le mas du berger ", se convainc-t-il. C'était vrai. À partir de ce moment, on eut dit un papillon qui n'est plus qu'agitation. Cuisante attraction, inconsciente déraison. Par mégarde, il dérapa. Essaya, dans la précipitation, de se rétablir, se déséquilibra davantage, chuta lourdement comme un filet de bœuf que le boucher plaque contre son étal avec violence et grand bruit. Au-delà du pantalon déchiré, de son genou et de sa paume égratignés, le muscle de la cuisse lui faisait bien mal. Mais cette douleur ne le rendit que plus vivant. Et c'est en piteuse créature qu'il toqua à la porte de la petite maison de bois couleur acajou, par endroits cachou. Il était comme repeint par la lumière, comme plongé d'un coup dans un vieux film sépia. Un chien aboie, ce klaxon animal semble provenir de derrière la maison. Peut-être. L'ennui avec le sang d'une plaie, c'est qu'il voyage à notre insu, Hector constata une quantité excessive de taches brunes sur son bel habit si bien qu'il se prit un temps pour une vieille coulemelle. " Mais le héros s'apprécie au nombre de ses cicatrices " s'enthousiasma-t-il, sans trop y croire. La porte qui s'ouvrit l'arracha de ses rêveries. Vissés sur le crâne comme un fauber usagé, les cheveux de Gaspard affichaient un gris qui invite à redoubler d'acuité, le gris étant le plus puissant entre-deux qu'on connaisse. Ses yeux rieurs, bleu clair, qui semblent encore et toujours s'élargir imperceptiblement, propageaient leurs ondes, faisaient de son détenteur un prophète. Dans son visage parfaitement ovale, sa bouche de fraise savait scintiller. Son corps robuste confirmait qu'il était bien un terrien, un vrai qui bénéficiait d'une santé de pierre. Il est fort à parier que ce berger passe pour un impressionnant y compris aux yeux de ceux qui ne sont jamais impressionnés. Sa voix retentit de manière à imaginer que sa trachée n'est pas une trachée mais un gros olifant ! " Ah, Hector, mon ami, mon frère, mon malheureux, entre ! " Le visiteur s'exécuta. But trois verres de Sauvignon sans s'en rendre compte, grignota des cerneaux de noix dont l'amertume le resculpta de l'intérieur à son insu, rebut deux verres, puis encore un … de sorte qu'après ce picorage arrosé, les phrases de chacun jaillissaient toutes seules, parfois même s'évaporaient. Ainsi poésie, jurons, rêves inaccessibles, pensées et quelques fois de grandes idées se mêlèrent. De ce magma vivant ressortit la ferme décision que le jeune citadin en déroute serait berger car, à guider les autres, fussent-ils des moutons, on s'habitue à se diriger soi-même. Aujourd'hui Hector est l'heureux et inquiet propriétaire d'un cheptel de cinq cents têtes, s'est marié avec Clothilde avec qui ils ont la charges de cinq cent un enfants.

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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