SAMEDI 7 Janvier 2006
de 14h00 à 19h00

en démarrage de notre nouveau cycle
" L'imagination n'est qu'une formalité "

Animation : Régis MOULU.

Auteur invité : Henri Gruvman.

Thème : Les mots qui défroissent

Le but de la séance a été d'inventer des mots dont nous avons inventé la définition. Ces mots sont des néologismes qui ont trait aux soucis notamment domestiques.

Bon, d'accord, voilà quelques exemples :
Obrisailler signifie "montrer un beau château au moment où le train s'engouffre dans un tunnel".
Puiffer signifie "se demander soudain si on n'avait pas plutôt rendez-vous ailleurs, ou ici, mais hier".
Zoupard (un) : marque la distance entre le ticket de péage et le bout des doigts tendus.
Ces définitions sont extraites de l'ouvrage "Le Baleinié" de Christine Murillo, éd. Du Seuil.

... et l'ensemble de ces mots (chacun les siens) sert une histoire qui se présente ainsi : une personne énonce à son ami/e (ou groupe d'amis) les raisons pour lesquelles il a décidé d'aller se reposer ailleurs.


 

 

 

 

 


Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):

- "On en cras (marre)" de Françoise MORILLON

- "L'Agrandinguerie ou La migration iouïe de la communauté des Agraïtes vers des territoires désertiques " d'Angeline LAUNAY

- "Un mercredi comme les autres" de Janine NOWAK


"On en cras (marre)" de Françoise MORILLON

Depuis un mostos (mois), Popette (ma meilleure amie) et Fanfouette (moi) et un grapouille (groupe d'amies), toutes des fommettes (femmes) avons décidé de nous rencontrer pour gorgasser (parler) des troquons (tracas) de la valos (vie).

On en a cras (marre). La bonclette (RV) est fixée à ce crepos (soir) chez Fanfouette dans sa cobaniche (maison). Comme la Fanfouette est très marite (lasse) depuis quelque passetour (temps), elle n'a pas déplomiché (fait le ménage) de sa cobaniche (maison), alors elle doit tarouper (nettoyer) avant la bonclette (RV) !

Fanfouette filloche (s'affaire). Elle passe le boulotteplome (aspirateur) car la plome (poussière) est prem (présente) partout.

Drang ! voilà Popette qui aviorne (arrive) dans sa petite barkit (Fiat Panda). Je crois qu'elle a drangué (sonné), je crois ; oui, sa pouille (amie) vient l'aider en premier. Bonjour Fanfouette, allons-y.

Popette commence par platifer (repasser) le linou (linge) ripote (encaustique) les rangettes (meubles).

Fanfouette vertigue (fait les carreaux) debout sur le rebord de la airmette(fenêtre). Puis les deux pouilles (amies) barbitent (discutent) en attendant les autres pouilles. Elles décident de rapofer (mettre la table) ; elles posent une belle brodelinou (nappe brodée) blanche d'abord, installe les croques (assiettes) en koal (porcelaine), les glous (verres) puis les bertilles (bouteilles) de jajou (vin), elles attendent en riant le moment où elles boiront le jajou (vin) avec le grapouille (groupe d'amies). Le meilleur moment de cette bonclette (RV) !

Mais Fanfouette voulait faire un jalupate (gâteau) aux pommes. Elle pense qu'elle n'aura pas le temps de jalupater (faire de la pâtisserie) car les copines vont aviorner (arriver). Drang ! oui les quatre pouilles (amies) drangent (sonnent) !
Boncrepos (bonsoir). Flutez (entrez) dans le zenrop (salon).
On va barbiter (discuter) sur la malheureuse valos (vie) de manettes (fous) que nous menons, nous les fommettes (femmes).

Toi, Pout (autre amie) qu'en penses-tu ? Oh, ben moi, barbite (dit) Pout, j'en ai cras (marre) comme vous ; on est toutes ridchopé (fatigué). J'ai une pripaille (proposition) à vous faire : notre valos (vie) de tagaire (tous les jours) est vraiment trop tonnante (pénible), alors j'ai conquiqué (réservé) six tripès (places) open dans un carburon (airbus) en direction des Caraïbes, pour huit jours, exactement à Saint-Barthélémy pour corgotter (oublier) tous nos traquons (tracas). Est-ce que cela vous pliche (plait) ?
Oui ! excellente cervous (idée), Pout, crouk (merci) ! Toute la grapouille (groupe d'amies) remercie encore ; on va toutes joupiller (rigoler) et se reposer sous les taroupeurs (cocotiers).

Poum, diena (au revoir) ; Bonclette (RV) dans le carburon (airbus) !

 

 

L'Agrandinguerie ou " La migration iouïe de la communauté des Agraïtes vers des territoires désertiques " d'Angeline LAUNAY

Kilomètre zéro de l'inconcevable gidouille (décision) de toute une communauté, celle des Agraïtes, vivant dans un gothak (quartier défavorisé) de New York. A l'instigation du goupi (noyau dur de la communauté), le peuple des Agraïtes s'est mis en route pour le désert du Sinaï après avoir envoyé au maryotte (maire de New York) une ouille (lettre de dénonciation) dans laquelle l'asticotte (le porte-paroles) des Agraïtes énumère les raisons pour lesquelles ses ami-ami (compatriotes) ont souhaité quitter définitivement la capitale.

Parmi les griefs principaux, on notera les durplissates (revendications) suivantes :
- porquerinade (insalubrité du quartier)
- bigre (insécurité)
- zingueries (coupures d'eau et d'électricité)
- torchopire (taux de chômage alarmant)
- aucun barzingue (lieu de réunion)
- aucun lupare (lieu de divertissement)
et enfin, cette durplissate inattendue : " nous réclamons tous la soufflinette (l'aspiration à la poésie).

Tel un canapontiak (un peuple en exode), la communauté des Agraïtes s'est retrouvée en Egypte, dans la ville du Caire et, après un circum (un détour de circonstance) par les Pyramides, a décidé yaourtement (d'un accord plutôt mou) de prendre la route du désert afin d'y établir un guir (un campement).
On igore pour l'instant si le Kapodrom (chef de la communauté) a obtenu des contacts ou pris des dispositions avec le pharamonde (gouvernement égyptien). Toujours est-il que ce peuple, composé d'un millier d'âmes, semble avoir trouvé sa landisbeldonne (terre promise) puisqu'il a planté un grand nombre de youtricas (tentes de formes et de matériaux divers) dans un paysage d'une ampleur solennelle, non loin du monastère d'Amba Bishoï.
D'ailleurs, le Kapodrom des Agraïtes a déjà établi un contact avec fra Anthony, l'abbé qui dirige la petite communauté des moines qui ne manquera pas de prodiguer ses bonques (bons conseils) à leurs nevonques (nouveaux voisins).
Bien entendu, les vitiaques (conditions de vie) ne sont pas des plus faciles mais touk-touk (tant bien que mal), les familles s'organisent et chaque jour apporte ses lulis (solutions) d'autant qu'un formidable élan de solidarité anime les habitants de cette gauburge (sainte planète).

A la nuit tombée, des feux s'allument dans le lournil (velours de la nuit). Chacun abandonne alors sa youtrica pour se poumer (s'asseoir à même le sol) autour d'un viouk (un bon vieux feu). Et là, ceux qui le désirent poussent la soufflette sous une forme tantôt chantée, susurrée, déclamée voire onomatopée. Qu'importe alors le firfir (le vent glacé) ! C'est la wiz (la vie sauvage).
Certains esquissent un saroin (un sourire en coin) en songeant à l'existence qu'ils ont quittée ; d'autres cherchent à chasser les pensées grippeuses (celles qui s'accrochent et ne veulent pas lâcher) ; d'autres encore commencent à s'inferner (à plonger dans un profond sommeil), protégés du froid par une couverture en bêla-bêla (laine de mouton).

Dans la famille Youpaqui, il y a Sinok, le père, Putila, la mère, Nouga et Mélonne, les jumeaux, et Mélita, une vraie cryptogamme (poétesse en herbe). Voici l'ode qu'elle a composée sur son rebecca (variante du rebec à la mode) :
Wala wiz wiz (voilà la vie sauvage, vie sauvage)
Subi panara (nos peines sont enfouies)
Oul ponim fi sano riflesses (je nomme enfin les idées saines)
Plata, ora o nipotes (sereines, riches et nouvelles)
Kanupi firfir (apportées par le vent glacé)

Ainsi semble naître, sous la nilote (nuit étoilée), traversée par les pchouites (les comètes), les prémisses d'une nipote-soufflette (nouvelle poésie) incarnée de manière si convaincante par la gentille Mélita.
Il demeure cependant que Kinno Gensi, le Kapodrom des Agraïtes, se retrouve confronté à certaines poissiturpides (lourdes responsabilités) à commencer par les pilorgettes (les problèmes d'approvisionnement) et bien entendu la podromie (l'organisation de la vie quotidienne).

A l'aube d'une ganache (d'une ère nouvelle) pour ce caracoum (peuple en quête d'identité), nous ne pouvons que formuler tous nos vœux afin que l'Agradinguerie puisse tenir toutes les prims (promesses) qu'elle a générées et relever tous les calorifèrdoncs (interrogations diverses) qui ne manqueront pas de filofilouir (surgir au fil du temps).

Signé Teddy Gnon
du journal Graffelogos
La voix du jour

 

"Un mercredi comme les autres" de Janine NOWAK

Pierre ouvre son cahier de textes. Pour demain : rédaction. Le sujet : raconter son mercredi. Allons, bon ! Elle veut du vécu, la maîtresse ? Elle veut du réel, du sincère ? Hé bien, elle ne va pas être déçue ; elle va en avoir pour son argent, la maîtresse !
Pierre prend une copie double à gros carreaux, un stylo qui écrit en bleu ; il note son nom, la date, recopie le sujet. Et c'est parti !!!

" Petit Pierre s'empoissanche (s'ennuie). Il s'empoissanche comme tous les mercredis. Il s'empoissanche et schkroubine (baille) à s'en décrocher la mâchoire. Pour l'heure, il est sagement assis sur sa petite chaise. A côté, avachi dans un fauteuil, Papy Alphonse suit les programmes de la chaîne culturelle de la télévision, la seule qu'il tolère en véritable despote qu'il est. Papy Alphonse affirme n'aimer que les documentaires. " C'est instructif ! " clame-t-il à longueur de journée. Aussi, depuis qu'il est levé, Petit Pierre a déjà suivi un court métrage consacré aux micorassons (petits cafards originaires de la Costa Brava), un autre vantant les mérites de la chapicouine (la modeste modiste qui crée les fameux couvre-chef de la Reine d'Angleterre), puis une émission médicale relatant les méfaits de la mourélugisse (grave maladie contagieuse qui s'attrape le premier samedi de chaque mois), suivie d'un éditorial scientifique sur le glinglinobul (appareil qui sert à mesurer les pets des termites qui, comme chacun sait, sont responsables de la diminution de la couche d'ozone). C'est à mourir d'ennui !
Petit Pierre déteste les mercredis et les vacances scolaires. Par contre, le Dimanche, c'est chouette. Papa est à la maison ! Car Papa, c'est un représentant de commerce qui sillonne la France pour vendre des rarayes (ustensiles acérés utilisés pour disséquer les papayes) et des zolamils ( robots ménagers qui font le bonheur des dames).
Maman travaille aussi : c'est une sourciconflexeuse (Agent de Police qui dresse des procès-verbaux pour stationnement illicite) et malheureusement, elle n'est pas souvent là non plus. Alors, c'est Papy Alphonse qui vient le garder. Et Papy Alphonse - Papy Alphonse, c'est le Papa de son Papa - c'est pas un rigolo. Comme dit Maman, il est drôlement alondelin (adjectif qui ne s'utilise qu'au masculin, synonyme de grocheux ou gringnon, eux-mêmes synonymes de grognon ou grincheux).
Mais on sonne à la porte. Vite, vite Petit Pierre va ouvrir. C'est Madame Lisette. Elle vient souvent s'occuper de son déjeuner quand Maman travaille. Petit Pierre écoute poliment le bavardage de Madame Lisette. Elle est bien gentille Madame Lisette, mais un peu empoissancheuse (ennuyeuse), elle aussi. Elle parle souvent de ses pieds et de ses varices. Car elle a un métier difficile, Madame Lisette : elle est clackpatte (prostituée qui arpente le Sébasto. dans le sens des aiguilles d'une montre). Il ne sait pas trop ce que fait une clackpatte, Petit Pierre ; mais il sait que ça marche beaucoup et c'est pour ça qu'elle souffre des pieds et des jambes et qu'elle clapignote (boitiller du pied gauche), Madame Lisette. Son repas terminé, Petit Pierre retourne au salon où il retrouve Papy Alphonse qui n'a pas bougé de son fauteuil. Faut reconnaître, c'est une curiosité, Papy Alphonse : il peut rester des journées entières, sans se lever, l'œil rivé à l'écran.
Il a sur les genoux des miettes de pain provenant de son éternel sandwich à base d'oumkrabu (savoureuse volaille quadrupède à poil ras). Car il ne mange que ça, Papy Alphonse. Il apporte son casse-croûte, fabriqué par lui-même, et il est hors de question de lui faire avaler quoi que ce soit d'autre. Aussi, à force d'ingurgiter toujours le même aliment, il est terriblement chacalembec (avoir une haleine de hyène), Papy Alphonse. Enfin, chacun ses goûts, comme dit Maman. Ah, et en plus - il allait oublier ! - il chuinchuite (verbe du 5ème groupe qui signifie baver en buvant), Papy Alphonse. Tout pour plaire !!! Petit Pierre jette un œil distrait sur la télé. C'est le moment des conseils financiers. Des gens, fouchtracoinchés (mot d'origine auvergnate qui veut dire avoir des problèmes d'argent), viennent demander comment il faut s'y prendre pour attendrir un bonanmalan (nom populaire du méchant inspecteur des impôts directs), afin d'obtenir des délais de paiement. Petit Pierre pense que ce sont de doux rêveurs, ces malheureux ! ".

Pierre pose son stylo, relève la tête. C'est assez hallucinant, se dit-il, de décrire la réalité. Il ne sait plus où il en est. Il a en face de lui Papy Alphonse, tel qu'il l'a dépeint dans son devoir, avec ses miettes de pain. C'est à vous donner la splatchinette, (la nausée), tout ça.
Il se lève, va se poster devant la fenêtre, essaie de regarder dans la rue. Mais il est trop petit et ne voit rien. Il faudrait l'ouvrir, cette fenêtre ; hélas, c'est impossible, car Papy Alphonse va encore glabouner (rouspéter) comme quoi ça fait des courants d'air, etc …
Puis il a une idée, Pierre : et s'il allait, mine de rien, dans la chambre de ses parents ?Là, il serait libre de faire ce qui lui plait. Un dernier regard sur Papy Alphonse le rassure : celui-ci est en train de s'enthousiasmer pour une nouvelle invention, le tadbozieutusai (appareil ophtalmique qui permet aux gens atteints de strabisme divergeant de voir la ligne bleue des Vosges dans son ensemble). Parfait, aucun danger ; il s'éclipse sur la pointe des pieds. Tout content, le voilà qui se penche sur la balustrade d'où il voit passer les chamaillalendrois du quartier ( prostituées qui déambulent d'une gracieuse manière, tout en tricotant des hanches, de la Place Blanche vers la Place Pigalle, les jours pairs). Il aperçoit, dans sa boutique, Monsieur Martin, le cordonnier d'en face, au milieu de ses marcelatrous (instruments qui perforent en commençant par un trou) et de ses mimilatrous (autres instruments qui perforent, mais en commençant par un plein - ou un délié, au choix).
Pierre se réjouit, car c'est l'heure où Maman va bientôt rentrer. Avec un peu de chance, il va l'apercevoir. Mais oui ! C'est bien elle, là bas, devant la porte kashere (portail d'entrée d'une synagogue). Pierre se penche davantage, encore un peu, encore un peu plus ; il agite les bras et … bascule par la fenêtre en poussant un grand cri.
Heureusement, ils n'habitent qu'au premier étage, et dessous, Monsieur Mohamed l'épicier de minuit - comme c'est écrit sur sa devanture - avait déroulé son store. Et c'est tout étourdi et tout étonné, que Pierre se retrouve dans les bras de Maman qui de loin a tout vu et s'est précipitée au moment du drame.
Ils remontent tous deux à l'appartement. Papy Alphonse n'est même pas surpris de voir Pierre entrer avec sa Maman.
Comme attirée par la copie, Maman s'approche de la table. Elle lit la rédaction et regarde émue son petit garçon. Ainsi donc, voilà à quoi ressemblent tes journées, mon pauvre petit ? Je te fais une promesse : nous serons encore moins riches, mais désormais, je vais travailler à temps partiel et c'est juré, je m'occuperai de toi tous les mercredis. A cette nouvelle, un grand sourire illumine le visage de Pierre.

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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