Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment
(dans l'ordre):
- "Partir pour la
zonzon" d'Angeline LAUNAY
- "Comment peut
naître, sur un marché prvençal, une belle amitié
entre un parisien et un marseillais que tout semble opposer" de
Janine NOWAK
-Deux
textes : un acrostiche et "Le grand désespoir du Capitaine
de gendarmerie Perdreau" de Nadine CHEVALLIER

Sabrina MANAC'H incarnant un texte ardant...
(coll. Janine NOWAK)
"Partir pour la zonzon" d'Angeline LAUNAY
La môme en imperméable
Fantastiquement écartelée dans sa fraîcheur
Lance en l'air son écu
Radical pour le moral
Pile, ça tombe toujours pile
Elle a du pif, elle a la pêche
Tu piges
C'est pas du pipeau mon pote
Ca fait du potin, ça punche
Déambuler à pinces dans les rues grouillantes
Une gratte sous le bras
" C'est fou ce qu'elles usent de grolles, parole, parole… "
En faisant du gringue… quelques fois
Quelle guigne… souvent
Gare au flic flingué
Ca fait flipper
Ca fait flop
Où est passé l'flouze ?
Claqué mon Charlot !
Planquée derrière la lourde
Eclairée par une vague loupiotte
Elle a peur de louper l'coche
" C'est ça qu'est moche "
Y'a que' qu'chose qui cloche
Clope au bec
Mec au clou
Le clebs que'qu' part mais où
C'est dingue, c'est naze
Quelle nouille ! Mais ça gaze
La môme, les nénés dressés
Dans ses nipes froissées
Sous l'effet d'une dope douce
Rêve d'un rancard pas possible
La routine, c'est ringard et rasoir
Même si c'est pas réglo
Elle va piquer la tire du dirlo
Tifs en pétard
Bijoux toc
C'est décidé, elle débloque
On s'croirait dans une toile
Elle met les voiles
Elle part pour la zonzon
Revoir son Jeff qui moisit au violon
Il a jamais eu d'veine
C'est pas une vanne
Il s'est tué au turbin
Et… la tuile
On lui a fourgué un mauvais tuyau
Ca a foiré
L'artiche, on sait pas qui l'a chouravé
Mais c'est lui qu'a trinqué
Les condés l'ont chopé
Il a pas pu calter
Sûr qu'elle est pressée de l'zyeuter
De jacter avec lui, de rigoler
Ils s'raient comme assis au zinc
Ils écluseraient un glass
En titillant des rondelles de fumée
Fini la scoumoune
Plus de sagouins, de salades ou d'arnaques
Ils se s'raient sapés chicos
Plus jamais ils s'feraient d'mourron ou d'cinoche
Allez, encore une taffe et du zef
Ouais c'est ça, du vent ! Pas vrai Jeff…
"Comment
peut naître, sur un marché prvençal, une belle amitié
entre un parisien et un marseillais que tout semble opposer" de
Janine NOWAK
Ecoute voir, Fernand ; je vais un peu te raconter notre
rencontre à Nanard et à moi. C'était pas plus tard qu'aujourd'hui, sur
le marché de Plan de Cuques. J'avançais, tranquille, bonasse, dans la
fraîcheur du matin, quand tout à coup j'entends :
" Et allons y les ménagères ! Des fripes ! Des fringues ! Des frusques
! Des nippes pour quasi balpeau ! C'est pas du boniment. Hé vous ! Oui
vous, le monsieur taillé façon armoire normande. V'là un costard aux
pommes qui vous ira comme un gant. Là dedans, vous serez beau comme
une bite en fleur ! Allez, basta : j'vous l'fais pas à 70, pas à 60,
mais à 50 €uros ! Quoi ? Vot' bourgeoise dit qu'c'est trop cher ? Et
voilà, encore un qu'a les miches qui font bravo devant sa rombière !
Si c'est pas malheureux ! Un balèze comac qui a les flubes et qui rampe
devant sa môme ! Hé ben, va te faire habiller chez Plumeau, espèce de
naveton, avec ton crâne en peau de fesse ! "
Intrigué, je m'approche doucement, et je dis au camelot grognon : "
Ca fait un moment que je vous espinche (observe), mon brave. Hé bé,
je peux vous dire que, fan de chichourle, vous allez pas en vendre des
wagons de vos habits, si vous agressez le client comme ça. Et puis vous
barjaquez (parlez) tellement, que ça donne le vire-vire (tournis). Non
mais c'est vrai : qué viole (bavard) vous faites ! Et de plus, vous
effrayez les minots (enfants) ! "
Je vais te dire, Fernand, j'ai redouté un instant que ça tourne mal,
quand il m'a répondu, sans aménité :
" Holà ? Mais qu'est-ce qu'il me bonnit le Marius ? J'aime pas qu'on
me bondisse sur le paletot pour me dicter sa loi. Fais gaffe, mec, j'suis
pas un tendre. Et t'as intérêt à numéroter tes abatis, car moi, d'un
bourre pif, j't'aplatis le blaire, aussi sec ! "
Alors, Fernand, avec cet ostrogoth, je me retrouve écartelé entre -
d'une part - une envie de le corriger qui me démange pas mal, mais -
d'autre part - le besoin de détendre l'atmosphère. Tu me connais, je
suis pas un vindicatif. Du coup, je choisis la deuxième solution, et
je lui dis : " Allez, vaï, collègue. Fais pas ta tronche d'àpi ! Je
dis ça pour être sympathique. Moi, je suis pas jobastre (crétin) et
j'ai bien vu que ce que tu vends, c'est rien que des estrasses (vêtements
mal fichus) de caraques (bohémiens). On est bien d'accord : c'est du
trompe-couillon. Mais tu dois savoir que, avé l'art et la manière, ça
passera quand même tout seul. Tu t'y prends mal. Ici, dans notre beau
midi, il faut du doigté pour séduire la clientèle. Avé un langage fleuri,
on arriverait à vendre des escoubilles (poubelles). Boudie, ne sois
pas testard et fie toi à moi. Le commerce, c'était mon métier. Ecoute
mes conseils : il faut leur tchacher aimable à tes clients. Tu n'es
pas à Paris, et ta façon de parler marque mal. Nous autres, tu vois,
on aime être câlinés. Faut y aller plan-plan, sans faire d'esbroufe
(crâner), sinon tu cours à la grosse cagade (catastrophe), et tes costumes
mon bon, tu en vendras un chaque fois qu'il te tombe un œil ( = jamais).
Tiens, si tu veux, moi, Victorin, je te fais la démonstration avé la
dame qui approche. Pécaïre (hélas), elle est maigre comme un stockfish
(poisson fumé), avé un cou sec de galine (poulet), mais regarde et écoute
bien : j'attaque...
- Ho, ma belle caille, j'ai là un corsage qui mettra votre joli décolleté
en valeur. Dans peu, aux beaux jours, ce sera radical : vous verrez
comme les Messieurs vous baderont (admireront) quand vous passerez dans
vos beaux froufrous ! Et en plus, c'est pour rien : quinze écus, heu…
€uros. C'est pas coucarin (beaucoup) - "
Hé bé là, mon Fernand, le Nanard, il était estomaqué. Il me dit :
" Ben mon pote, j'en suis comme deux ronds de flan ! Tu viens de réaliser
un turbin aux petits oignons avec ce cageot revêche, qu'avait l'air
d'avoir avalé son parapluie ! Tu lui as bazardé ma camelote, aussi sec.
Chapeau, mec ! Mais c'était peut être un coup de bol ? "
Un coup de bol ! Non mais t'entends ça, Fernand ! Il me dit ça à moi.
Alors là, mon sang ne fait qu'un tour, et je lui rétorque : " Un coup
de bol ? Oh, pôvre de nous ! Oh, Bonne Mère ! Oh coquin de sort ! Un
coup de bol ! Tu me vexes l'ami. Té, je recommence l'expérience avé
celle-là. Tu es d'accord hein, le Parisien : elle est pas facile à habiller,
hé ? Elle a des nénés comme des cougourdes. Et alors, son pétadou (derrière),
pardon !!! Je plains les chaises, peuchère, quand elle s'assoit. Hé
bé tu vas voir un peu :
- Ho, ma belle quique, j'ai sur ce cintre, une petite robe qui vous
attend depuis toujours. Elle mettra vos gambettes en valeur et tous
les galants se retourneront pour admirer votre chute de reins en pensant
: " Vé, comme elle est mignonnette, qu'on dirait un brugnon dans lequel
on voudrait mordre, et patin-couffin (patati-patata)… ". Voilà, ma toute
belle. Et cocagne, je galège (plaisante) pas : vous faites une affaire.
Adesias, ma beauté -
Alors là, Fernand, voilà que le Nanard, il me prend les mains et me
fait :
" Victorin, t'es un caïd. Je t'ai à la bonne. J'en ai plein les endosses
de ce marché. De toute façon, y'a plus de trèpe. Il est une plombe et
quinze broquilles. Allez, on met les adjas. Moi, j'ai besoin de m'arroser
l'avaloir ; c'est dit : je t'offre un pastis. Et puis tiens, pendant
qu'on y sera, si on se calait les amygdales ? Tu dois bien connaître
une crèmerie où on peut tortorer une boustifaille becquetable ? ".
Alors, j'y ai répondu : " Hé vouaï ! Moi, je vais toujours chez Fernand.
Il fait une bonne biasse (nourriture). Et, pardon, c'est copieux : on
mange à s'en faire péter le bédélet (ventre) ". Et ce cher Nanard de
me dire :
" O. K. Mon poteau, on y cavale aussi sec. Et pour te prouver que je
ne suis pas constipé du morlingue, et que je sais être reconnaissant,
c'est moi qui vais tout raquer. Et sache que quand j'invite, je fais
les choses fantastiquement bien. "
C'est toute l'histoire, mon Fernand ; j'ai aidé à remballer les banastes
(paniers), et comme Nanard dit régulièrement, " aussi sec ", on est
arrivé chez toi.
Alors, Nanard, comment tu le trouves mon ami Fernand, l'aubergiste?
" Hé mais, je suis enchanté de faire votre connaissance, Fernand. Votre
terrasse et ce jardin sont choucards comme tout. Mais qu'est-ce que
j'esgourde, là ? "
" Boudie ! Mais c'est les cacarinettes (cigales) ! En provençal, la
devise de la cigale se dit " Lou souléou mé faï canta " ce qui veut
dire " Le soleil me fait chanter ".
Hé bé, tu vois, Nanard, c'est comme nous les marchands : nous sommes
des soleils qui enjolivons la vie de nos semblables et les rendons heureux.
Vois-tu, ils sont perméables à nos flatteries. Car ici, dans notre beau
midi, la flatterie, ce n'est pas de l'hypocrisie : c'est de la sympathie
; c'est une marque d'amitié. Tu sais, tout à l'heure, les deux dames
pas très belles, elles n'étaient pas dupes. Mais elles ont entendu ce
qu'elles avaient envie d'entendre, quelque chose qui leur a réchauffé
le cœur. Alors, pourquoi ne pas leur offrir ce petit plaisir, qué ?
Allez, Fernand, apporte le pastaga !
Un
acrostiche et "Le grand désespoir du Capitaine de gendarmerie Perdreau"
de Nadine CHEVALLIER
1er texte :
Fallait-il pas qu'il soit gonflé, le môme
Avec trois écus , pas plus de pèze, dans la fraîcheur de sa jeunesse
Nous a voulu payer l'voyage ...
Tellement fauché qu'c'en était grave !
A voulu frimer, pour sûr !
Son dab, c'est radical, lui donne jamais une thune
Taf ou chomedu, c'est même cinoche
Il a pas trois sous d'argent de poche
Quelle galère quand le taxi
Un têtu batard, pas perméable,
Entre Clichy et Billancourt, pas d'bol,
Mit l'clignotant et réclama paiement
Entre mensonge et vérité écartelé,
Notre p'tit gars dut avouer sa dèche
Total, on est rentré à pinces...
2nd texte :
Le grand désespoir du Capitaine de gendarmerie Perdreau
Ah ! Gendarme Larfeuille, vous m'apportez votre rapport sur les évènements
d'hier matin ? J'espère que vous avez enrichi votre vocabulaire... Avez-vous
pris conseil auprès du Petit Robert comme je vous l'avais conseillé
? Oui ?...
Voyons cela.... (il lit)
"Je, soussigné Larfeuille, gendarme à la résidence de Triffouillis les
Oies, revêtu de mon uniforme et conformément aux ordres de mes chefs,
étant à ma caserne, ai été affranchi téléphoniquement qu'un braquage
avait lieu à la boulangerie Ducoin, la-celle de la place de la Mairie.
Après avoir informé mon Commandant de Section, je me suis immédiatement
rendu sur les lieux et ai fait les constatations suivantes : son forfait
accompli, l'individu Cochar, un balaise travelo distingué, bien connu
de nos services, se taillait, comme Fangio sur un vieux clou perché,
mais néanmoins chouré.
J'ai fait fissa, j'ai pas gambergé, je me suis lancé à sa poursuite
sur ma bécane de service. Je flippais pas, étant champion de vitesse
au CCTO, Club Cycliste de Triffouillis les Oies. Ce fut radical : j'ai
vite rattrapé le loulou. Arrivé à sa hauteur, je me suis jeté sur lui,
il s'est viandé, on s'est un peu frité mais je lui ai mis un marron
et l'ai tenu écartelé au sol.
Je l'ai asticoté, cet enfoiré. Il a balisé et tout chougnant, m'a expliqué
que n'ayant plus un écu en poche, il avait braqué la boulangerie pour
taxer des pains au chocolat de première fraîcheur pour sa bergère et
ses cinq mômes qui ont la dalle.
Le Brigadier Grouillot, mon supérieur fantastiquement hiérarchique,
a rappliqué avec la DS du service. Il a menotté le susdit Cochar.
Au moment de repartir, la tuile, nous avons constaté qu'un des pneus
de la bagnole, sans doute perméable, était crevé.
Ma bécane et le vieux clou volé étaient foutus, nazes à la suite de
l'arrestation.
Total, on est rentré à pinces."
Hum, hum ... Dites-moi, Larfeuille, ôtez moi d'un doute... Le Petit
Robert que vous avez consulté, c'est quand même pas Robert Knup ? Le
p'tit Robert ?... notre indic de la rue des Vannes ?... Si ?
Là, Larfeuille, vous m'époustouflez !... Vous ne comprenez pas ce mot
? Regardez DANS le petit Robert , là sur mon bureau !!!