Ci-après
quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):
- "En quête des truffes de ta personnalité" de Régis MOULU
"En quête des truffes de ta personnalité" de Régis MOULU, animateur de l'atelier
« L'homme qui vaut pour tous les hommes »
est face à un trou dans la terre.
Un vieux trou.
Terre racornie
avec une texture de gorgonzola.
Pas ou très peu d'insectes frénétiques
tels vers de terre, larves de tipules, mouches de carottes.
Une désolation.
Possiblement un échantillon de néant.
Inquiet, l'homme « parle-chante »
comme « détonations se feraient entendre ».
Avec une voix pincée
telle une corde de guitare
sous la main d'un gitan.
Plus largement, en lui, tout éclate.
L'auditoire fantôme perçoit alors
ces paroles fantômes :
« Absence.
Vision.
L'arbre.
Le chêne.
Ancêtre.
Mon amour végétal est en peine.
Flou.
Rideau de larmes.
Derrière cet écran, un squelette de gommettes vertes.
La guimbarde du vent,
le parapluie des écureuils, rats, mésanges, renards, laies et marcassins, toutes ces poches animées par un gribouillis de sang.
Un monde.
Une Atlantide.
Une femme échevelée,
aux mille nattes de branches,
l'écorce de sa peau
est le cristal de ses souvenirs,
j'aime sa pureté,
son épaisseur qui ne change rien à sa pureté,
sa moire qui rend féerique sa pureté.
De son absence, je pleure,
larmes d'eau, coulées de sels.
Ou un très vieil homme
rendu rond par les années,
parfait dans sa rondeur,
sphérique telle une montgolfière
qui monte toujours plus haut dans le ciel,
dans le pot de miel du soleil.
Quand ta géométrie absolue a disparu,
mes infirmités ont repris.
Tu me manques
et je suis amputé de tes qualités.
Douleur de ne toujours pas réussir
à embrasser ton fantôme.
Je ne vois qu'un trou.
Bascule de mes sentiments dans cette falaise.
J'ai mal partout.
Aujourd'hui je me suis réveillé
avec toutes mes armoires vides.
Mon âme a été dévalisée.
Depuis ma sortie du lit, tout me coûte.
Tout est épreuve,
murs infranchissables,
échecs préétablis.
L'horreur.
Aucun « demain » point.
Subsiste juste la nécessité
de venir où tu fus,
souvenir fantôme.
(Après un temps d'affliction)
Je te regarde,
conscient que le différé est une hache.
Attraper avec les ventouses de ma concentration
ton âme en chemise de brouillard,
recenser ce qui reste de ta présence
dans l'air que je respire,
les truffes de ta personnalité,
des spaghettis de sensations
qui tombent dans l'assiette de mes poumons.
Je t'entends encore.
De ces chuchotis qui rongent une tête,
qui transfèrent leur chantilly.
Une tristesse infinie, moutarde intense,
brasille mes yeux.
Cornée épluchée,
deux cerises Napoléon qui dégorgent
mes incapacités à renoncer à toi,
chêne honorable.
un trou où y plonger.
Plonger, je ne fais que ça.
Mon ciel est écrasé.
Gâteau sans levure.
Te faire réapparaître par tous les moyens m'obsède.
C'est pourquoi je viens de ramasser ce bois mort,
une baguette,
peut-être un de tes bras !
Le doigt de ma requête.
Mon intercession,
ma supplique,
le caprice monté en action,
mon incantation :
des mouvements d'air qui nous unissent,
de ce palpitant premier qui fait de nous ses veines,
de cette pulsation qui nous rendrait tous « oiseaux »,
par la joie qui a géométrisé en nous tous la charpente,
par la vitalité dont on mesure l'ardeur au robinet même des volcans,
enfin par la volonté qui m'agite,
j'ai le cœur des sauveteurs,
l'âme des baleines,
une détermination d'éléphant,
tout m'a été transplanté,
j'implore le retour de tes racines,
ce berceau de végétation,
j'aimerais tant que ton dessin se reprécise.
Ajout de couleurs, touche par touche.
Ma baguette serait alors un pinceau,
une flûte d'existence,
un canon à chair.
Te respirer, te sentir, te remplir avec ma dévotion,
moi le petit fil de soie criblé de verbe,
moi dont le désir est « engrais » démesuré,
gonfle avec mon cœur ce poumon de rossignol.
Que ma joie escompte ta présence,
Que mon amour te recrée,
« cheval fou dans son box » déclenche dare-dare orage de possibilités,
gala de pluies,
conceptions
et mises bas.
Dans mon rêve, il y avait « un arbre qui sort de mon rêve »,
c'est un film,
il danse parce que ses feuilles bougent,
il redéploie son alphabet,
reprend toutes ses correspondances,
bref, l'Orchestre de la Vie réemménage ce kiosque,
peut-être même qu'il chante,
une mélopée de lianes qui s'envolent
comme « cassolade de tripes qui frissonne »,
un ramage qui semble en tout cas innerver le ciel,
oh, vieil intermittent au buste infini,
je suis ébloui,
mon impatience ne pouvant se contenter d'une hallucination
te voilà maintenant devant moi,
aussi vrai que la distance qui me sépare de lui est réelle,
il s'agit de quelques mètres seulement,
quelques mètres durs comme de la pierre,
je le salue,
je ferme les yeux,
pense très fort à lui,
rouvre les yeux,
il est toujours là,
aussi vrai que la distance qui me sépare de lui est réelle,
il s'agit de quelques mètres seulement,
quelques mètres durs comme de la pierre,
je le salue,
je ferme les yeux,
pense très fort à lui,
rouvre les yeux,
il est toujours là,
je suis heureux,
au point où tout le règne animal rit de nouveau en moi,
gingembre,
je crois bien que ce soir je dormirai dans les bois vert foncé ».