Ci-après
quelques textes produits durant la séance,
notamment (dans l'ordre):
- "Le serviteur muet" de Janine BERNARD
- "Chat1, chat2, chat3, chat4, chat5, chat6, chat7"
de Marie-Odile GUIGNON
- "Le droit de sourire" de Céline CORNAYRE
- "Où commence l'homme ? Où finit la bête ? "
de Janine NOWAK
- "Cercle arctique, la lune et mission antarctica"
d'Angeline LAUNAY
- la proposition (photo) de SCRIBUS
- la proposition (photo) de Karine LEROY
- la proposition (photo) de Rémi DANO
- la proposition (photo) de Sylvie PRUDON
- la proposition (photo) de Françoise MORILLON
- la proposition (photo) de Martine GROSS
- la proposition (photo) de Régis MOULU
"Le
serviteur muet" de Janine BERNARD

" Ohé du plateau ? "
C'est Mauviette du plateau supérieur qui se jette à l'eau. Elle s'agrippe
au bord et regarde en bas. Ce vertige qu'elle a…
" Répondez moi, je sais que vous êtes là ! "
Morue, la vieille toute édentée, échevelée, l'apostrophe d'une voix
rocailleuse.
" Plonges pas la tête comme ça, gamine, tu vas tomber ! "
Elles sont toutes les deux à l'étage supérieur et le plateau n'est guère
solide.
" Arrête de bouger, la Môme, sinon gare. Patiente un peu, ton tour
viendra. Regarde moi, est-ce que je bouge ? "
Mauviette regarde Morue avachie contre le mât central. Une vieille Morue
toute flasque. Qui aura besoin de ce mot-là ?
Mauviette replie ses jambes et se passe la main dans les cheveux. Elle
aura sûrement plus de chance d'être ramassée que la vieille. Sinon c'est
à n'y rien comprendre.
Sur le haut du plateau de fruits de mots, toutes les deux à la vigie,
elles attirent l'œil c'est sûr. Mais qui est en bas, à l'étage moyen
d'abord et au pont inférieur ?
De temps en temps, le maître mot s'approche et ramasse celui ou celle
dont il a besoin.
C'est ainsi qu'elles ont vu partir Moquerie et sa petite pince à cheveu
en forme de cœur. Puis Mozzarella et sa jupe comme un fromage tout fripé.
Mortadelle et son chignon de chiffe molle.
Maintenant, reste Morue de plus en plus desséchée par l'attente et Mauviette
avec son seau et son balai qui joue les Cosette en espérant apitoyer
le maître mot le plus vite possible.
C'est qu'il écrit un livre, le Maître, et Mauviette espère bien être
sélectionnée pour une phrase d'accueil avenante, bien placée et surtout
bien ponctuée. Ca compte la ponctuation. Elle le sait bien. Mieux vaut
une petite phrase simple mais bien ponctuée. Un sujet, un verbe, un
complément et le tour est joué. Elle rêve d'être sujet, bien sûr, mais
déjà complément elle serait flattée.
Quand il s'est mis à écrire, Maître mot s'est confectionné un plateau
de fruits de mots.
Avoir des mots à disposition, tout prêts, originaux, bien écrits, sans
faute ni rature. Mais que le temps est long pour les mots de la fin…
" Ohé en haut, la forme les filles ? "
La voix est lourde d'essence. C'est Motard qui vrombit de toute sa voix.
Tient pas en place celui-là et depuis le temps qu'il attend, il est
prêt à se saborder. Heureusement, il est au plateau inférieur, tout
en bas et s'il pète un câble et s'échappe avec Moteur son acolyte, il
ne peut pas faire tomber l'édifice un tantinet instable. C'est une chance
!
" Eh ! les filles, Motard et mon pote Moteur, on est prêt à grimper
aux rideaux pour vous rejoindre. Qui y a là haut ? "
Morue fait signe à Mauviette de se taire, un doigt sur la bouche. Mauviette
tremble de tous ses membres.
Au plateau moyen, Mollusque a dressé une oreille. Enfourcher la moto
de Motard au passage, lui permettrait de bouger un peu. Ca lui déplairait
pas. Et puis il accrocherait Molasse au passage sa compagne. Le plateau
du milieu n'est pas le plus fougueux, mais c'est le plateau des couples,
des amoureux, il a son charme.
Mosquito et Mortadelle, eux, leurs anciens voisins de plateau, ils ont
été placés ensemble l'an dernier en février dans une phrase d'accueil.
Ils n'y croyaient plus. L'un près de l'autre sur une carte de la Saint
Valentin que Maître Mot a construit à la hâte.
" A ma morsure bien aimée, une tranche de Mortadelle au Mosquito
demain soir, ça te dit ? "
C'est ainsi que Mortadelle, la frisée, a suivi son Mosquito gominé à
tout jamais côte à côte chevauchant les ondes informatiques sur un mail
volant mal identifié.
Quel bonheur…
Et puis, Mollasse et Mollusque se verraient bien en parents de petits
Mollassons dans le futur bien sûr. Eux aussi rêvent d'un enlèvement
pour la future Saint Valentin de cette année.
" Ma petite Mollasse adorée, je rêve de petits mollassons à ton image,
ton Mollusque enchanteur "
Mollusque a plein d'idées pour que Maître mot le choisisse et il se
construit tout le temps des phrases de rêve, au cas où !
" Ohé du plateau, on s'ennuie un peu au plateau moyen. Identifiez
vous, que diable ! "
" Mauviette et Morue, à la vigie ! Présentes ! "
Tout en bas, Motard trogne le nez. Morue, il imagine ! et Mauviette
c'est pas une grande résistante, ni au style, ni à la syntaxe.
Moteur donne un coup de pédale qui décoiffe, histoire de saluer.
" Eh ! plateau moyen, reste qui avec vous ? "
" Mollusque et Mollasse nous deux, c'est tout. "
" C'est tout ? "
Moteur et Motard se regardent. Qu'est-ce que le Maître mot pourra écrire
avec les restants ?
Pas évident, ils vont rendre l'âme les derniers, sans jamais sortir
de ce serviteur muet en papier mâché.
Les derniers des mots en " mo ", des mots mis à mal, mais des mots sans
maux tout de même ! Il en a beaucoup des serviteurs muets, pleins de
mots de syllabes différentes, des mots en " cou ", des mots en " soi
", des mots en " chou ".
" Ohé, c'est Moteur.. On vous propose un truc, se faire une phrase
commune pour attirer le maître et qu'on en finisse. Etre tous en phrase,
vaut mieux que pourrir ici, isolés. Qu'en pensez-vous ? Motard et moi,
Moteur, si vous venez avec nous, on se fait la belle, la belle phrase
et le Maître la trouvera toute prête. Alors creusez-vous les méninges,
pour certains ça va être difficile ! "
Ils pouffent.
Et c'est ainsi qu'une ribambelle de mots, oubliés sur un vieux plateau
de fruits de mots en papier d'écolier, ont fini par écrire leur épitaphe,
retrouvée, un beau jour, par un maître mot étourdi, il les avait tout
simplement oubliés !
" Ci-gît une Mauviette de Motard,
sans Moteur ni cervelle.
Il mourut près d'une Morue Mollasse,
oublié d'un plateau sans âge,
qu'un coup de ciseau songeur avait confectionné.
Paix à leurs chères âmes.
Signé : un Mollusque effondré. "
Attention : dans le texte qui suit, tout est intentionnel : mots liés,
orthographe personnalisée, etc. car priorité est donnée
aux jeux de mots, assonnances et autres détournements ludiques
! Voilà, comme ça, maintenant vous chavez tout !
"Chat1,
chat2, chat3, chat4, chat5, chat6, chat7" de Marie-Odile GUIGNON

Chat
Giacometti
Silhouette maigrelette
filiformette, interminablement longue de la pointe de l'oreille au bout
de la queue... Mon poil frisé collé emmêlé me moule comme du plâtre
modelé, malgré mon air efflanqué je suis célèbre dans le monde entier.
Chat
Botté
Chat me va ! Caraba caraba !
Après avoir roulédans la farine
Parcouru les champs
Feint de noyer mon maître
La vie de château, chatteeau
Me sourit, souris
Une paire de bottes chat chuffit, ça suffit Pour réussir dans la vie
! Chalut ! Salut !
Chat
à la tête penchée et à la queue baissée
Chat piteux, chapiteau
Charité s'il vous plaît
Chat riz thé cil vousplaie
Chameau, chat maux, chat mots
Chat à bosses...
Chat hué, chahuté,chat où t'es ?
Chafouin, chat foin
Foin pour dormir au chaud !
Chalet, chat laid, chat lait àlaper
Pauvre chat de gouttières
Gouttes hier, hier, hier...
Chat
nu, assis, la queue en l'air, coiffé d'un chapeau.
Papier plié replié
Chapeau, peau de chat
Peau de chagrin qui rétrécit...
Chat grain...
Comme le temps passe
Passe , hé, passez par iciet moi par là
C'est la dernière fois...
Chut, chute de papier découpé
Chchchchchuuutsss...
Le soleil se couche dans lesnuages, nu ache D'un ciel, chchchiel,profondément
chamarré, Chchchamarré, chat, marée, A marée basse, leschalands, chats
lents, Et les chaloupes, chat loup', Chats loupes bien utiles Pour mieux
voir les bateaux, Petits bateaux de papier blanc Papier plié, avant,
Qu'ils ne disparaissent dans lelointain...
Plus de bateau, en papier,
Mais un chapeau, pas découpé
Chat alors, ça alors !chaleur,
Chat con-ti-nu, çacontinu...
Chat
Châtaigne
Chat hérissé, haierit c'est !
Chat poils raides, poux hâleraie deux !
Chat peureux, peur oeufs !
Chat teigneux, taie nid yeux !
Chat gros dos prêt àcharger !
Tcha tcha tcha, ça vachauffer !
Saut de chat !
Ça chatouille ! Chathouille !
Ouille ouille ouille, lacitrouille, six trouilles !
Pour la soupe au lait, olé!
Sauve qui peut ( Chauve, qui ?Peuh...)
Ppfffggggrrrrr...
Chat
de rien en papier bouchonné
Les chats sont là,
Chassons, chat son, chaussons
Mes chats jeu de charabia
Messages.
Un chat assis,
Châssis,
L'autre chat chaussé,chaud c'est
Et un chat pelé, chapelet
Un chat de gouttières,d'égout dégoûté
Un chat coiffé qui faitquoi ?
Le coeur bat la chamade, chatmade in atelier d'écriture Où l'esprit
chavire, chatvie respire Le temps des mots tchattent Les mots sages,
les messages,s'envolent en tchallenge Chat lange, chat l'ange...
L'ange gardien sur le chariot,chat rit ô !
Char, hi !ho la la !
Emportent les chagrins
Tiens ? Encore des grains...
Ceux du chat pelé,chapelet
Qui glissent sous les doigts
Doigts qui cousent et enfilent
Dans le chas de l'aiguille
Le fil de choix, de soie, douxdoux
Pour faire les couchins, coussinsdes chats angora Pour protéger les
cou chinets, les coussinets Des papattes des minous ! Miaoumiaou !
Chat
silhouette
C'est un chat papier blanc, un chatajouté, un chat fantôme, Un chat
perché !
Un chatchouette !
Un chat qui retombe toujours surses pattes !
Les chats ont sept vies, c'estbien connu, tout le monde dit " chat "
ça! Sept chats, sept vies, c'est pour... CHAT !
"Le
droit de sourire" de Céline CORNAYRE

Le droit de sourire ? L'Etat serait-il créancier du sourire
comme il l'est déjà de la santé, du travail ou du logement ?
Imaginez donc une caisse d'allocation sourire accolée aux CPAM, CAF,
MDPH, CNSA, CHRS et autres sigles barbares pourtant investis d'une mission
héroïque : la protection sociale.
Imaginez encore, globalisation et NTIC obligent, le sourire vendu aux
enchères sur E-BAY aux côtés de la couette préférée de grand-mère et
du rasoir porte-bonheur de Nicolas.
Imaginez enfin le sourire imposé comme l'a été la démocratie, au nom
de la défense du bien contre le mal …. Et vous connaissez la suite.
Avoir une certaine idée du sourire, c'est comprendre son pouvoir et
l'accepter, c'est entendre ce qu'il traduit sans le dire, c'est savoir
et toujours garder à l'esprit ce que peut ressentir celui ou celle qui
ne peut afficher le sien.
Il ne s'agit pas ici du désarroi de Monsieur Juppé lorsqu'il fut privé
de ce développement durable pour lequel il a tant œuvré, mais de la
réelle impossibilité mécanique et esthétique de sourire.
Bridges, couronnes et autres procédés de traction et rétraction sont
heureusement là pour pallier ces difficultés, mais tout de même, révéler
Miss France sans lèvres et sans dents reviendrait à concevoir Geneviève
de Fontenay sans son chapeau … Et vous imaginez le désastre.
Quand sourire rencontre Amour, que se passe t-il ?
Il se fend largement mais encore ?
Il n'en peut plus d'apparaître et de réapparaître, même bêtement.
Il remplace les mots qui ne remontent pas à la surface, définitivement
noyés par l'émotion.
Il est contagieux et peut vite vous mettre dans des situations inextricables.
Vous faisant presque lutter malgré vous contre ce que vous ressentez….
Mais,
même édenté, vieilli, meurtri, usé, fatigué,
il n'en demeure pas moins vous,
il n'en demeure pas moins nous,
il n'en demeure pas moins beau.
"Où
commence l'homme ? Où finit la bête ?" de Janine NOWAK

Tiens ? Un ruban... Non, plutôt un serpentin… Serpentin… Serpentin…
Serpentin… Serpenteau : le serpenteau est un bébé serpent. Joli nom.
Mais même bébé, un serpent reste un serpent. Méfiance… Serpent, donc…
" Serpent de mer " : quand l'actualité est calme, les médias ressortent
un vieux sujet-bateau / " Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur
sa tête ? " : ce Racine, quelle emphase ! / Quand j'étais petite, un
amuseur entonnait, façon Bel Canto : " J'ai réchauffé un serpent dans
mon sein, j'ai réchauffé une vipèèèèèère ! " (je crois que c'était Francis
Blanche). / Vipère…
" Langue de vipère = personne malfaisante. / " Vipère au poing : Hervé
Bazin. / Couleuvre (déjà plus sympathique) : " Etre paresseux comme
une couleuvre (ce n'est ni très glorieux, ni très méchant). / " Avaler
des couleuvres " = faire preuve d'une grande naïveté. / " Colt-cobra
" : l'arme à feu des cow-boys. / " Police-python 357 " = titre d'un
film policier avec Yves Montand (le colt-cobra 357 est son arme de service).
Après les rampants, passons aux reptiles à pattes. " Larmes de crocodiles
", symbole de l'hypocrisie. / " Avoir une peau de crocodile " : personne
qui supporte bien les coups durs. / " Faire le caméléon " : le chevalier
d'Eon était un " cador " dans cet exercice. / Bobby Lapointe, amateur
de bons mots, chantait, voici quelques décennies : " Il a du bobo, Léon,
il va p't'être canner, Léon … ". / " Lézarder = se prélasser au soleil
/ " Faire des yeux de crapaud mort d'amour " = se dit d'un amoureux
transi qui regarde sa bienaimée avec une passion béate. / Le magouilleur
" grenouille ". / Et on avance lentement " comme une tortue ".
Le monde aquatique a aussi son mot à dire : " Etre muet comme une carpe
". / " Etre heureux comme un poisson dans l'eau ". / " Rire comme une
baleine ". / " Engueuler quelqu'un comme du poisson pourri ". / D'une
histoire bâclée, on dira qu'elle " finit en queue de poisson ". / "
Faire une queue de poisson " : très vilain comportement bien connu des
chauffards. / Et qui ne connait le " vrai panier de crabes ", désignant
des individus méprisables ?
Mais, émergeons un peu, abandonnons les animaux à sang froid et passons
aux bêtes à plumes. Les expressions animalières ne manquent pas non
plus. Un mari très bichonné sera " comme un vrai coq en pâte ". / Un
garçon viril et séducteur est un " cop du village ". Une élégante sera
vêtue d'un tailleur " pied de coq " (c'est un genre de gros damier)
ou " pied de poule (c'est le même motif en plus petit). / Les " poulets
", sont en argot des policiers. / " Avoir la chair de poule " = avoir
très froid ou très peur. / " Se coucher, ou se lever avec les poules
". / Une maman qui " couve " un peu trop sa " nichée " est qualifiée
de " vraie mère poule ". / Il serait dommage de " tuer la poule aux
œufs d'or ". / D'un garçon gringalet, on dira qu'il a des " mollets
de coq ".
Quand le thermomètre est au dessous de 0°, il " fait un froid de canard
". / La fausse note du musicien est, dans l'argot du métier " un canard
". / Charly Chaplin - Charlot -, " marchait les pieds en canard ". /
" Avoir les doigts palmés ", c'est être paresseux. / " Faire la politique
de l'autruche ", c'est se défiler (attitude répandue !). / Un joyeux
tempérament, sera " gai comme un pinson ". On peut aussi être un " oiseau
de mauvais augure ". Attendre, c'est " faire le pied de grue ". / "
Avoir un appétit d'oiseau " est appliqué à une personne qui mange peu
… ce qui est stupide, car rien n'est plus vorace qu'un moineau qui passe
ses journées à ingurgiter des tas d'aliments ! / Enfin, " avoir un crâne
de piaf ", n'est pas des plus flatteur…
Mais j'enchaîne, et je " passe du coq à l'âne ". J'abandonne les volatiles
pour me consacrer aux bêtes à poils. Ainsi donc, " reprenant du poil
de la bête ", et " têtue comme une mule ", je poursuis ma quête et enrichis
mon bestiaire. " Faire l'âne pour avoir du son ". / " Anne, ma sœur
Anne, ne vois-tu rien venir ? " ; euh, là non ! Cette expression arrive
là comme un " chien dans un jeu de quilles " ; je m'égare, je divague
! Ce qui en est la cause ? Ma " fièvre de cheval ", qui me fait perdre
la tête ? ; et c'est peut-être, aussi, ce qui me fait " pleurer comme
un veau ". Dans ma famille, nous nous " entendons comme chien et chat
". Autour de moi, que " des têtes de cochons " qui " se regardent en
chien de faïence ". Pourtant, moi, je suis " douce comme un agneau ".
" Forte comme un bœuf " et très " à cheval sur les principes ", je me
" donne un mal de chien " pour tenir ma maisonnée, alors que tous "
dorment comme des marmottes " et se négligent au point de " sentir aussi
mauvais que des boucs ou des putois " et d'avoir " une haleine de hyène
". Et pour finir ? Je suis " payée en monnaie de singe " ! Quelle ingratitude
! Qu'y puis-je ? L'être humain est ainsi fait : depuis les premiers
homo erectus (le regretté serge Reggiani chantait : erectus, ça me va
bien, moi qui " étais chaud lapin "… - " chaud lapin ", tiens, en voilà
encore un !), donc, disais-je, depuis les premiers homo erectus, on
apprend que les pauvres bipèdes que nous sommes, ne doivent jamais rien
attendre de leurs semblables. Aussi, devrions nous prendre exemple sur
les animaux, car, ainsi que le chante Pierre Perret : " Nos amis les
bêtes,
Dont nous nous moquons,
Elles sont peut-être bêtes,
Mais elle sont pas … cons ".
"Cercle
arctique, la lune et mission antarctica" d'Angeline LAUNAY
CERCLE ARCTIQUE Pôle Nord. Paul-Emile Victor. Cap au Nord.
Ne pas perdre le Nord. La constellation de la Petite Ourse brille dans
la nuit polaire. Déjà je m'y retrouve. Déjà je m'éclaire…
Expédition de l'extrême, aux antipodes, loin sur la banquise et la toundra,
sur l'eau tantôt liquide, tantôt solide, dans le désert blanc et figé.
Haute région de solitude. Le craquement de la neige se fait entendre
à plus de - 50°…
+ 5° dans l'igloo. Nous y voici. Dialogue avec l'impossible. Dialogue
avec soi. Tourner et tourner sur soi-même, au-dedans de soi.
Le cercle arctique… la limite entre le soleil de minuit et la nuit polaire.
Lutte entre la foi et la désespérance, la révélation et le doute… Tout
ce blanc… Tout ce noir… Tout ce bleu… Et la tempête glacée, les vents
déchirants , les lueurs irréelles…
Des montagnes en perpétuelle transformation dérivent telles d'inquiétants
fantômes dans le brouillard… Sphinx indomptables… Leurs corps massifs
barrent l'horizon. Ils inspirent la crainte et le respect… Ils colportent
d'incroyables légendes. Déjà je rêve. Déjà je m'interroge.
Les variétés de bleu sont presque insaisissables à l'œil, fluctuant
du plus clair et du plus tendre au bleu de Prusse ou de cobalt. La ligne
de flottaison des sphinx, parfois se confond avec l'élément liquide
et parfois s'en démarque. Au cœur des confins sans vie, les eaux internationales
rappellent aux humains qu'ils peuvent vivre en paix. O paradoxe. O Septentrion.
Déjà je cherche à me tranquilliser mais je sais que je ne reviendrai
pas indemne de cette aventure… Que de dureté… de pureté… Que de désolation…
de consolation…
LA LUNE, je le pense souvent, est une amie. Elle habite dehors comme
je me réfugie dedans. La nuit, je lui parle en anglais. La nuit n'est
pas mon ennemie. Les histoires que je lui raconte abolissent la distance.
Je m'absente un moment sans raison. Lorsque je reviens, la lune a changé
de place. Pour combien de temps ? Je ne sais guère mesurer le temps.
La lune tente de m'expliquer la distance du temps mais je ne comprends
pas son langage.
Serait-elle clairvoyante ? Combien sommes-nous à lui confier nos éternelles
complaintes… la complainte des infidèles, des filles de joie, des malandrins…
tous ces couplets vieux comme le monde… et ces refrains, répétés sans
fin…
Nous lui envoyons nos racontars en provenance de la terre et, parfois,
elle nous renvoie ses réponses… Je les range alors dans un coin de mémoire
pour les revisiter durant les nuits sans lune.
MISSION ANTARCTICA
Bases française , italienne, américaine, russe… Des hommes scrutent
l'infini à la jumelle. L'atterrissage d'un petit avion représente chaque
fois une prouesse. Un officier russe vient visiter la base américaine.
Cela fait plus d'un an qu'il n'est pas retourné dans sa famille. Malgré
les rudes conditions d'existence, les locaux sont accueillants. Au déjeuner,
il déguste un bon plat qui n'a rien à voir avec l'infâme menu quotidien
servi dans sa propre cantine.
Il affiche une bonne humeur de circonstance mais souffre de savoir qu'il
ne pourra rendre la pareille. A quoi se mesure la différence entre les
hommes qui sont prêts à mettre leur vie en danger…
L'officier russe sort un instant. L'air qu'il respire est sauvage comme
celui d'un continent oublié. Chaque pas lui demande une attention particulière.
Le blanc du ciel lui blesse les yeux. Il pense à la jolie Doumidia,
rencontrée récemment dans la ville d'Amassalik. Jamais il n'a réalisé
à ce point que sa vie ne lui a laissé que peu de choix. Et pourtant,
c'est à lui que sont confiées les missions risquées en raison de l'audace
et du courage avec lesquels il pilote les avions de sa base.
Il sort des jumelles de sa poche et les porte machinalement à ses yeux…
Rien pour accrocher le regard, sinon le vide, l'éclatante lumière qui
aveugle… Pas une plante, pas un animal… mais les mille couleurs qui
composent le blanc, pas si blanc, presque bleu…
Il se demande pourquoi… pourquoi il finira par partir, mais pourquoi
aussi il reviendra dans ce pays hostile, cette terre sans pitié où on
trouve et où on laisse cependant quelque chose de soi…
La
proposition de SCRIBUS

La
proposition de Karine LEROY, écrivaine
invitée

La
proposition de Rémi DANO

La
proposition de Sylvie PRUDON

La
proposition de Françoise MORILLON

La
proposition de Martine GROSS

La
proposition de Régis MOULU
