SAMEDI 10 mars 2007
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
" L'espérance des expériences "

Animation : Régis MOULU.

Auteur invité :
(recherche en cours)

Thème :
Comme un jour-naliste
La littérature a vécu, il y a quelques années déjà, une influence provenant de l'écrit journalistique. Ainsi le sens de l'observation sociale a, par exemple, enrichi la forme romanesque. Le poids d'une information vérifiée et un penchant pour les interviews solidifient depuis lors toute histoire investiguée.
Il s'agira donc pour nous de travailler un thème qui sera énoncé en début de séance. Et c'est en s'inspirant des techniques d'écriture qu'utilisent les journalistes qu'on lui donnera une épaisseur particulière et une dimension singulière.

Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support a été donné : il présentait tous les aspects formels qui caractérisent un article de journal.

 

 

 

 

 

 

 


Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):

- "L’or des chiens à l’heure des chiens" de Marie-Odile GUIGNON

-"Embarquement immédiat..." d'Angeline LAUNAY

- "Global Land, un monde sans soucis ou l'hypermarché du prêt à vivre"
de SCRIBUS

- "Un monde nouveau va-t-il naître ?" d'ARGOPHILHEIN

- "Dico" d'Aurélie BOCCARA

- "Des chiens pas comme les autres" de Rémi DANO

- "Dans le noir, ils luttent contre le gris" de Régis MOULU

- "Quand le nez part en croisade" de Janine NOWAK


"L’or des chiens à l’heure des chiens" de Marie-Odile GUIGNON

Lu dans « Le journal du territoire »
rubrique : Enquête : "L’or des chiens à l’heure des chiens."

La commune de Cabot in Age dans le département de Chenil vient de mettre en place une structure d’emplois innovants.

Entrevue avec Monsieur le Maire :
Il s’agit, nous a-t-il dit, tout à la fois :
- D’améliorer la qualité de vie des habitants,
- De créer des métiers qui répondent à des besoins,
- De s’inscrire dans le mouvement écologique,
- De participer aux économies d’énergie.

Le constat :
La moitié des habitants de notre Cité possède un chien qui chaque jour urine dans la rue plusieurs fois :
- Sur la base des poteaux,
- Sur les pieds des compteurs de gaz et d’électricité,
- Sur les socles des bornes téléphoniques,
- Sur les montants des portails,
En laissant de longues traces dégoulinantes sur les trottoirs, coulées qui déclenchent la colère de l’autre moitié des habitants, obligés de piétiner dans ces flaques malodorantes ! Venons-en au fait !

Le concept :
La propriété décapante de l’urine de chien est connue depuis la nuit des temps, c’est pourquoi nous avons décidé de créer une entreprise de récupération, de stockage et d’utilisation de l’urine de chien.
Le projet, fiable, est actuellement fonctionnel, vous avez pu le constater.

Les emplois nouveaux :
A) Un nouveau métier de plein air, le métier de COLURITOLOGISTE :
Il s’effectue dans la rue. C’est un métier relationnel qui exige des qualités de sociabilité, des capacités de communication, des compétences d’autorité et de persuasion. Il faut aussi aimer les animaux.
Nos agents se répartissent à raison d’une personne par 500m de rue. Les outils de travail sont les bacs à bec verseur et les containers sur chariots roulants.
B) Un autre métier celui de convoyeur de stocks (d’urine de chien).
Il consiste à sillonner toutes les rues pour remplacer les containers pleins par des containers vides et de les ramener dans les entrepôts de l’entreprise.
C) Ensuite nous avons recruté des ingénieurs qui dirigent notre laboratoire de décapage ils ont formés des ouvriers spécialisés pour préparer les bains et manipuler les pièces à décaper.
Les autres emplois au siège de l’entreprise concernent le groupe de direction, l’accueil, la comptabilité, le secrétariat, l’entretien et la maintenance des locaux et du matériel. Ce sont des emplois classiques.
Monsieur le Maire nous a ensuite invité à visiter les rues de la ville pour découvrir un nouveau métier avant de le retrouver au siège de l’entreprise.

Nous avons donc parcouru le cœur de la ville et sa périphérie et nous avons rencontrés :
Les COLURITOLOGISTES.
Chacun à une portion de rue qu’il sillonne en marchant.
« Il s’agit d’abord de déposer les bacs à bec verseur aux endroits déterminés par l’utilisation de phéromones de chien, nous ont-ils dit, cela motive l’animal. Notre rôle consiste ensuite à récompenser le chien par une caresse dès qu’il a fini d’uriner dans le bac récupérateur, puis d’échanger quelques mots agréables avec son maître ou sa maîtresse.
Grâce au bec verseur nous déversons l’urine dans les containers qui sont sur les chariots, vous pouvez constater que nous avons une tenue hygiénique et des gants que nous changeons régulièrement.
Nous bavardons avec tous, nous récoltons aussi la sympathie des gens qui n’aiment pas les chiens car la rue reste propre. Nous surveillons sans épier ! Et en conséquence les crottes sont toujours ramassées, le distributeur de sacs fonctionne !  ».

Le métier de COLURITOLOGISTE serait-il, non seulement un nouveau métier de l’écologie de proximité mais aussi un métier de médiation, de réconciliation sociale ? Un métier d’animation ? Un métier aussi de surveillance bienveillante capable de sécuriser les piétons urbains : du senior au jeune écolier en passant par l’adolescent turbulent ?…

Rendez-vous au siège de l’entreprise dans notre prochain numéro :

La suite de notre enquête avec les chiffres concernant le nombre d’emplois ainsi crées, la description du travail dans les laboratoires et les diverses applications de ce liquide d’or, ainsi que les interviews auprès des habitants.



"Embarquement immédiat..." d'Angeline LAUNAY

Il fut un temps où les humains communiquaient avec les animaux. Et puis, un jour, ils se rendirent compte qu'ils pouvaient faire et comprendre plus de choses. La conscience était née…
Faire reculer les frontières de l'obscurité, voilà le défi qu'a tenté de relever un groupe de chercheurs qui se sont associés pour créer un lieu de rencontre réservé à des consultations d'un type et d'une approche sans précédents.
" L'Arche de Noé ", c'est le nom de cette nouvelle " boutique pas comme les autres ". Je l'aurais peut-être appelée " L'auberge espagnole ", autre manière de voir les choses puisque chacun y amène son bagage personnel dans le but d'entreprendre un voyage plutôt surprenant…

UN SALON DES SENSATIONS

Mais tout d'abord, l'accueil et l'ambiance… On pénètre dans un immense espace dont le sol, les murs et le plafond sont recouverts de feutrine de couleur verte. Curieusement, on se sent tout de suite bien d'autant qu'une musique venue d'on ne sait où diffuse ses notes cristallines.
Comme pour une invitation au banquet, une table centrale est garnie de bouchées salées et sucrées, présentées dans des plats en céramique japonaise. Bien sûr, on est invité à picorer d'autant qu'une fontaine à tisane permet de se désaltérer avant une éventuelle entrevue.
Sur une autre table, des flacons à respirer annoncent leurs senteurs : thym, menthe, abricot, frangipane, œillets sauvages… A côté, on peut s'exercer à découvrir des images stéréotomiques qu'il faut commencer par regarder de très près et écarter progressivement pour voir apparaître une figure ou une scène en relief. Des photographies permettent de découvrir le travail d'artistes de passage. Et, en prime, des poèmes à emporter emplissent des corbeilles d'osier.
Après toutes ces découvertes sensorielles, on peut enfin entrer dans le vif du sujet.

DIS-MOI QUEL EST TON PROBLEME…

Tout autour de ce grand vaisseau, sont organisées des alcôves encadrées de rideaux de diverses couleurs où sont installés des consultants dont la spécialité est indiquée : ethnologue, psychologue, sociologue, astrologue, écrivain, musicien, plasticien, magicien.
Le prix de la consultation : 20 Euros… et le temps n'est pas trop compté ! On fait connaissance. On se parle. On se confie… C'est comme on le sent et cela va dans les deux sens. Il n'y a pas de règle, pas de méthode, surtout pas de jugement ! C'est un échange, une mise en scène inspirée, un édredon moral, une " invention de soi ", un départ non programmé, une main tendue, un cœur en écharpe, une parenthèse, un couplet ou un refrain.
La maison est ouverte à tous. On y entre par nécessité comme par désoeuvrement. C'est pour dire, pour voir, pour entendre et réaliser qu'il y a toujours autre chose que soi et soi… C'est pour être moins seul, moins triste, moins désespéré mais c'est aussi pour devenir plus joyeux, plus empathique, plus équilibré.
Un jour, vous discutez musique… Un autre, vous parlez de vous, de l'autre, des autres ou d'autre chose encore… Juste avant, vous avez dégusté un baklava et respiré de l'anis ou de l'eucalyptus. Vous vous êtes assis sur un pouf mauve pour écouter un chanteur que vous ne connaissiez pas…
Vous avez oublié l'heure et même pourquoi vous étiez venu… Vous reviendrez demain car vous avez remis votre problème à plus tard. Vous avez compris que vous n'étiez qu'un petit électron, libre de préférence, un peu égaré certes mais maintenant que vous pouvez aller quand bon vous semble chez le Père Noé…
Au fait, il y a aussi un coin-détente où vous pouvez vous installer dans un canapé-fleur et rêvasser. Si par hasard quelqu'un teste le confort d'une alvéole, vous pouvez toujours lui adresser un sourire ou quelques mots, quitte à ce que cela dégénère en conversation à bâtons rompus. Qui sait… Vous vous êtes peut-être fait un ou une amie car dans l'Arche, on est prié d'abandonner ses tensions sur le seuil, dans l'Arche on s'embarque sans se soucier des destinations… Sur l'Arche, on navigue à vue, sans serpent à lunettes, sans sornettes de soleil, sans vague à l'âme, sans faire de vagues…

A QUOI CA SERT TOUT CA ?

Eh bien justement, à rien ! Car on méconnaît l'importance du rien… Certains se sont penchés sur ce petit mot pas si vide de sens… Hugo Pratt n'a-t-il pas élucubré sur " Le désir d'être inutile "… L'éloge du rien, ce n'est pas rien !
" Rien " est ce manque sur lequel se consolide l'amour. Le trop plein se répand en pure perte. A quoi bon accumuler les priorités!... Un poète n'a-t-il pas écrit : " J'ai bâti sur le vent et l'embrun et la fumée des sables… "
L'Arche de Noé serait-elle l'arche du " rien dévoilé " ?... Hissez la voile du rien et vous verrez qu'étrangement l'horizon s'élargit. Contre toute attente, vous n'attendez plus… Vous êtes là, juste là, entre deux eaux, l'une calme, l'autre transparente… Vous vous êtes embarqués et c'est ça qui compte.

UN CONCEPT POUR LE FUTUR

Dans nos sociétés sur-aseptisées où courir après toutes sortes de chimères est devenu le mot d'ordre de Bigs Brothers virtuels, le nouveau concept de l'Arche de Noé semble destiné à un avenir prometteur. Il est né du désir de mener une réflexion approfondie sur la désagrégation progressive du lien social dans un futur relativement proche.
L'étude a donc abouti à ce projet qui dépasse les espérances tout en gardant une dimension expérimentale. En effet, l'accueil réservé aux visiteurs de l'Arche se diversifiera en fonction de l'air du temps. Quant aux consultants, ils pourront bien entendu céder leur place et revenir, répondant ainsi aux besoins de la clientèle.

Sauvés par l'Arche ! C'est ce que furent les animaux qui s'y engouffrèrent à l'époque d'un certain déluge… La nouvelle " Arche de Noé " tiendra-t-elle ses promesses ? Pourra-t-elle, au fil du temps, tirer les humains de leur léthargie, les délester de leurs indifférences… afin de les attirer vers le large, là où les instincts retrouvent leurs saveurs d'origine.

N'hésitez pas à faire un détour par l'Arche de Noé… Attention ! Embarquement immédiat pour l'aventure intérieure…

 

 

"Global Land, un monde sans soucis ou l'hypermarché du prêt à vivre" de SCRIBUS

De votre envoyé spécial, Jacky 0'Connor.

8h30, ce samedi matin, Centre ville de Speedland.

Tout le monde s'est donné rendez-vous dans la Grand rue, artère principale de la ville pour l'ouverture tant attendue de Global Land, l'hypermarché révolutionnaire du XXIème siècle. Jacques Edouard Global, héritier des supermarchés et hypermarchés du même nom l'avait annoncé en exclusivité à Presse Société il y'a trois mois " nous travaillons à un concept unique et novateur qui sera LE service des services ". Peu d'informations avait filtré, concurrence oblige.

Voici en quelques mots la philosophie de cet hypermarché du sans soucis d'après l'interview en direct aujourd'hui même de son concepteur : regroupement d'un panel de services variés dans un même lieu, personnalisation de l'accueil et des services, rapidité, efficacité, connaissances approfondie du client par un fichage, analyse des données et identification morpho numérique.

De l'extérieur, un bâtiment aux allures gaudiennes, alvéolé, aux formes souples.
A l'intérieur, le regard est happé par la multitude des espaces. Petit tour d'horizon.
Accueil dans un espace salon où des hôtesses s'affairent. Questionnaire client avec ses besoins, ses goûts, son emploi du temps, son bilan santé et son budget. Création de sa carte multiservice sécurisée avec identification morphogénétique automatisée.
De multiples alvéoles structurent les différents espaces clients. Tenez, par exemple ici l'espace dentisterie, plus loin l'espace massage ou encore celui des produits cosmétobiologiques.

Un client pour le moins satisfait me livre ses impressions " je vais pouvoir gagner beaucoup de temps grâce à Global Land. Après ma journée de travail, plus besoin de courir chez le boucher, l'écailler, et puis aussi de faire des kilomètres pour aller faire réparer ma voiture, ou encore aller chez le coiffeur et rentrer finalement épuisé chez moi et me rendre compte que j'ai oublié le pain. Ici, pas de stress. Je suis identifié dès que j'entre dans le complexe, accueilli par une hôtesse avec qui je fais le bilan de mes besoins alimentaires, matériels, médicaux…elle me rappelle que je dois faire ma visite de contrôle chez l'ophtalmologiste et comme je suis un peu stressé me réserve une séance de massage. Pendant ce temps, un employé s'occupera de mon panier de courses, fera réparer mes bottes et réglera mon contentieux avec mon assurance. Génial, non ? "

L'hypermarché comporte sept niveaux, eux-mêmes constitués de dix alvéoles thématiques. Pour faciliter la navigation dans ce grand paquebot, tout est prévu. Une boussole numérique est proposée à chaque client identifié. Le principe est simple : selon votre profil pré-établi et vos besoins, la boussole interactive vous établit une cartographie des alvéoles qui vous sont nécessaires. De plus, pour vous faire gagner du temps, un affichage lumineux vous indique les alvéoles disponibles et vous préconise le circuit le plus rapide. Un service de réservation est aussi disponible sur la boussole.

Je croise un jeune citadin stressé et curieux qui vient, lui aussi, découvrir le nouveau concept. Il m'explique qu'il vient de prendre sa carte Global Land et espère trouver un nouveau job grâce à Global job service et aussi trouver une petite amie. En effet, si vous êtes seul, si vous souhaitez refaire votre vie ou simplement agrémenter vos soirées, pas de problèmes, le service Global meeting est là pour satisfaire votre demande.

Pour résumer, Global Land est ouvert 24h/24h, vous prend en charge tout au long de votre vie à travers une panoplie de services partant des plus classiques jusqu'à vos besoins les plus essentiels, bien être, développement personnel, sentimental, obsèques, gestions du patrimoine et une multitude d'autres encore (liste disponible à l'accueil de l'hypermarché sur simple demande et sans engagement).

Nouveau concept, nouvel eldorado ? Global Land est en tout cas révolutionnaire en son genre Mais quel type de société va-t-il générer ?
Le fichage numérique des individus ne va-t-il pas entraver leur vie privée ? Gagner du temps, mais pour quoi faire ? N'est-ce pas encore un moyen détourné pour nous faire consommer encore et encore des services ?
Nous servir pour mieux nous asservir…n'est-ce pas ce qui se profile derrière ce concept prétendument alléchant ?

 

"Un monde nouveau va-t-il naître ?" d'ARGOPHILHEIN

RETRANSCRIPTION D’UN INTERVIEW PAR ARGOPHILHEIN :

UN MONDE NOUVEAU VA-T-IL NAITRE ?

9 novembre 2006. Journaliste depuis peu, je cherche le scoop dans la rue. Et j’avise dans un square aux couleurs automnales un SDF qui lit Le Monde, en fait Le Cahier du Monde. Interloqué, je l’approche et bavarde tant et si bien que je décroche son interview.

M (c’est son nom) : C’est la première fois qu’un journaliste s’intéresse à un homme de mon rang.

le J : Quel est-il ?

M : Celui de la France d’en bas, mais j’y tiens, j’appartiens ainsi à quelque chose, à un pourcentage de la population. J’étais Généraliste, mais avec les remboursements dégressfis de la sécu, les mutuelles qui augmentent, les émissions de santé qui informent les patients sur la façon de se soigner au quotidien, plus de médicaments en vente libre, je ne servais plus à rien et gagnait le Smic. J’ai décroché et je n’ai même plus les moyens de faire soigner ma déprime.

J : En quoi vous intéresse ce journal ?

M : Il est très instructif. Il parle des objets les plus inutiles pour les sans-emploi : les montres et les bijoux-parures. Le temps ne nous est plus compté, nous pouvons le voir filer vers les esthètes fortunés, les collectionneurs, ceux qui veulent se distinguer par des séries limitées, les dames qui veulent avoir un cou et un poignet de reine. Nous, nous ne voulons qu’une chose, essentielle : le respect de la Constitution. Soit du travail pour tous. Et pas du bénévole, du rémunéré qui fait vivre, c’est-à-dire pas le Smic ou le Rmi.

J : Mais pourtant, la virilité, la puissance, s’acquièrent avec une montre Zarathoustra, si j’en crois sa pub. (en aparté : je me demande bien ce que la citation de Nietzsche vient faire là ! Les descendants de sa soeur Elizabeth toucheraient-ils des royalties sur les ventes de cet article ?). Et comme sa technique innovante ne lui permet pas d’être détruite, elle rend son possesseur plus fort. Ca ne vous tente pas, d’être plus fort ?

M : Cette force là, c’est celle de l’argent salement gagné par un profit excessif qui ne rémunère pas seulement le travail de chacun et le capital des actionnaires, mais qui recouvre l’exploitation maximalisée du travail des autres. C’’est l’esclavage qui perdure, mais qui s’adresse à tous maintenant : blancs, noirs, toucouleurs, un vrai drapeau pour les perdants de la mondialisation.

J : Perdants et exclus, c’est pareil pour vous ? `

M : Oui, ce sont des conséquences de la réussite des plus pourris, qui se font nommer les plus compétitifs, les plus motivés. C’est un langage écran employé par les journalistes, les économistes, qui croient développer leur science alors qu’ils participent à la mise à mort d’une partie de la population mondiale.

J : Que devons-nous faire ? Ne plus écrire ? Ne plus faire de pub ?

M : Que du positif. Bien désigner la pub comme pub, laisser tomber la publicité rédactionnelle au profit des articles de fonds.

J : Mais qui va nous payer ? `

M : Baissez vos prix, vous vendrez plus et pas de salaires-privilèges aux membres de la Direction pour rémunérer leurs secrètes connivences.

J : Avez-vous d’autres idées ?

M : Plein. Et mon copain l’ingénieur-informaticien qui vient d’être licencié de chez A..... remplacé par un indien trois fois moins cher. Grâce aux licenciements massifs de cadres, la France d’en bas a un niveau plutôt élevé et nous sommes nombreux à avoir une nouvelle vision du monde à partager. La voulez-vous ?

J : Une vision totale, globale, pas seulement des petits changements ?

M : Oui, un système nouveau qui ne revient pas à la charrue à boeufs, qui ne passe pas par le communisme dévoyé de Lénine et Staline, et qui utilise autrement les richesses produites par l’homme. Autre utilisation, autre répartition. Si vous voulez en savoir plus, nommez-moi votre consultant-conseiller en nouvel art de vivre.

J : Art ? Alors qu’il s’agit d’emplois, de ressources, de niveau de vie ?

M : L’art se crée. Un nouveau mode de vie aussi. Un nouvel art de vivre, c’est du domaine de la création, pas du rebouchage, du rattrapage, du nivelage. C’est une nouvelle façon de penser la vie et de l’agir. AGIR LA VIE, ça parait être un bon slogan , c’est un programme pour laisser librement acter l’énergie qui meut le vivant, lui permettant d’être.

J : Pas une vie réduite, déstabilisée, émaculée, comme vous la vivez avec vos compagnons dans la rue ?

M : Vous comprenez vite. Venez ce soir avec tous mes copains consultants-conseillers spécialisés, nous ferons un dîner-débat au square du vert-galant, la vue est belle et c’est pas trop fréquenté en ce moment.

J : J’y serai, pour un avenir qui ne périra pas avant d’avoir vécu.

CHERS LECTEURS : Après cette découverte d’un nouveau monde chez nous, je vous promets de vous tenir informés des péripéties de ce voyage au bout de l’homme, l’homme qui n’est jamais si exténué qu’il ne puisse penser.

 

"Dico" d'Aurélie BOCCARA

Sofia, Bulgarie.

Hier, j'ai rencontré un homme extraordinaire. Il est traducteur itinérant dans les capitales du monde entier. Il se déplace dans les rues des capitales de la planète et offre ses services de traducteur dans n'importe quelle langue aux personnes qui visitent un pays dont elles ne connaissent pas la langue.
Cet homme est bulgare et connaît toutes les langues officielles et reconnues du monde. C'est un véritable " baroudeur " qui a traversé en long, en large et en travers le monde. De parents russes, qui ont émigré en Bulgarie, il a tout petit déjà, commencé l'apprentissage des langues. Aidé au début par ses parents, il a très vite volé de ses propres ailes, en faisant des petits boulots, à gauche, à droite, à travers le monde entier, apprenant ainsi toutes les langues qu'il maîtrise aujourd'hui si bien et qui me rend très admiratif.
Il dit lui même : " J'aime voyager, rencontrer d'autres personnes, d'autres cultures, d'autres religions et quand pour quelques pièces je peux aider une personne en lui traduisant ce qu'elle souhaite et donc, je l'espère la contenter, je suis le plus heureux des hommes. Ma vie c'est les autres "

Ce qui me frappe chez cet homme, presque sans attaches, c'est sa liberté d'agir, de dire, de s 'exprimer, mais pas seulement en français ou en anglais, comme le commun des mortels, mais en russe, en italien, en tchèque, en hongrois, en portugais… Quelle richesse !!!!

Cet homme, à bientôt 90 ans, ne veut pas prendre sa retraite, car son métier c'est sa vie . On peut alors se demander si une telle abnégation est de nos jours encore possible.
Il faut croire que OUI !

Mais revenons sur ce métier, pour le moins étrange. Ce n'est pas le métier de traducteur qui m 'étonne, mais c'est la capacité à capter les visiteurs et autres touristes, à les intéresser, à les sensibiliser, peut-être aussi à les aimer. Il ne dit rien, mais je vois au fond de son cœur de " jeune homme " qu'il souffre d'être seul, sans épouse, sans enfants, sans petits enfants, bref de se retrouver tout seul dans sa chambre le soir, même s'il a partagé pour le dîner la table de touristes pakistanais.

Ce cher monsieur, qui, j'ai oublié de vous le dire s'appelle DICO m'a raconté qu'il voudrait écrire ou participer à l'écriture de guides pour touristes et il en ferait la traduction dans toutes les langues du monde entier…Pourquoi : il voit bien qu'il n'est plus tout jeune et qu'il reste le seul à faire ce métier de " traducteur ambulant ". J'espère sincèrement que son vœu sera exaucé !

Il me vient à l'esprit qu'on peut, un peu comparer, le métier de journaliste, qui parcourt le monde, de capitale en capitale à celui qu'exerce DICO. Là aussi, on est dans l'abnégation, là aussi on est au service des autres, pour DICO au service des touristes et pour moi au service des lecteurs. Bien évidemment, ma profession et ma vie en général sont moins aléatoires, mais je pense qu'on est dans la folie, dans l'extrême. Si je n'avais pas fait du journaliste, on va dire " planétaire ", je n'aurais jamais rencontré DICO.
DICO est partout où je suis finalement. C'est un peu comme un second papa, qui prépare l'interview ou l'entretien.
Nombre de touristes me disent : mais qui est cet homme, c'est un extra-terrestre, c'est ET ; Spielberg peut " aller se rhabiller ".

Je crois que depuis que je suis tout petit, j'ai voulu exercer le métier de journaliste. Je me rappelle petit, regardant la télévision ou en écoutant la radio, je disais à mes parents ; " papa, maman, moi je veux faire comme le monsieur, aller dans le monde entier, voir plein de pays, sauf ceux où il y a la guerre, car ça me faire, et aller dans les pays où les enfants sont malheureux ".
Il faut croire que j'ai été tenace, puisque mon rêve s'est réalisé, un peu comme celui de DICO, enfin je ne sais pas si lui, petit, il rêvait d'exercer le métier qu'il exerce encore aujourd'hui.

Mais, même si nous n'avons pas le même âge, notre parcours, nos centres d'intérêt, nos joies, nos peines sont les mêmes ; moi aussi je suis sans attaches, sans enfants. Pour moi, DICO est un SAGE ! comme on peut en " trouver " dans les contrées lointaines de l'ASIE.



"Des chiens pas comme les autres" de Rémi DANO

Une idée novatrice

L'affaire ne fait pas encore les unes mais cela pourrait finalement venir tant l'idée est novatrice. En effet, depuis août 2002, une entreprise d'un nouveau genre, " Can'idée ", a ouvert ses portes dans la banlieue parisienne.
De quoi s'agit-il ? D'une entreprise qui loue des chiens. Des entreprises de location d'animaux avaient déjà vu le jour, il y a quelques années, c'est vrai. Mais la démarche de Can'idée a quelque chose de neuf : elle loue des chiens " utiles ".
Exit donc les modèles, déjà bien rompus, du chien d'aveugle, chien d'avalanche, chien de garde ou chien " rameneur " d'objets en tout genre, que connaît déjà bien le lecteur. Dorénavant, il faudra se familiariser avec ces nouveaux types de chiens qui ont fait leur apparition sous l'égide de la jeune entreprise. Mr Crocfesses, directeur général, nous en parle : " Can'idée a germé dans mon esprit et celui de mon collaborateur et associé, Mr Franc-Ducollier. On était conscients du potentiel des chiens et surtout de la place qu'ils occupaient déjà dans la vie des hommes (…). On s'est dit qu'il y avait matière à travailler là-dessus, que le marché était porteur. On s'est rassemblé et on s'est " brainstormer " sur l'idée suivante : qu'est-ce que le chien pourrait faire de plus pour nous ? De là est partie notre formidable aventure. Après quoi, nous avons axé notre marketing sur trois modèles phares que l'on a pu créer à l'aide d'une équipe de dresseurs professionnels très qualifiée. Ca a pris tout de suite. Depuis, Can'idée ne cesse de se développer et de lancer de nouveaux modèles encore plus utiles à l'homme. "

Des chiens pas comme les autres

Alors quels peuvent bien être ces nouveaux modèles tant convoités ? Les voici décrits pour vous :
En premier, vous pourrez opter pour le " chien nounou ". C'est un animal dressé pour s'occuper de votre progéniture et veiller sur elle pendant que vous êtes sortis. C'est généralement un labrador ou un caniche, mais ce peut être un berger allemand ou un pit-bull. Moins cher qu'une " vraie " baby-sitter et bien plus sûr, le chien nounou ravira les parents trop occupés. Les options varient avec les bourses. Selon le modèle, le chien nounou pourra sortir les enfants, pousser la poussette, les border et leur faire une bise sur la joue avant de s'endormir. Le modèle le plus cher changera le bébé, lui préparera ces petits pots et lui chantera des berceuses à l'heure de la sieste. Le département Recherche de Can'idée réfléchit déjà a un chien " spécial révisions " qui ferait faire les devoirs à la maison et mordrait l'avant-bras à chaque mauvaise réponse. Bref, plus de basses besognes : le chien s'occupe de tout !
Ensuite, vient le modèle DOG (Direction Operating Glance) qui vous permettra de vous orienter partout dans un environnement urbain et qui se présente comme une alternative au GPS. Comment l'utiliser ? C'est très simple : il vous suffit de murmurer à l'oreille des chiens, en allemand (NDLR : le modèle en français est à venir), le lieu d'arrivée et l'animal vous y conduit illico. C'est plus tendance que le simple GPS et bien plus fiable : pas de d'embouteillages, de mise à jour des cartes, de frais d'abonnement, etc. Il existe déjà, là encore, une large gamme de produits. Selon vos options, le chien pourra s'arrêter aux feux (NDLR : attention tous les modèles ne le font pas… Se renseigner d'abord auprès du fournisseur agréé), insulter les voitures qui les grillent, saluer les passants ou demander les horaires de bus et de métro. Pour l'instant, le chien DOG se cantonne, au mieux, à Paris et sa région mais le département recherche de Can'idée, décidément très prolifique, pense déjà l'élargir à toute la France. De plus, d'autres recherches ont été menées pour adapter les modèles aux besoins du client. Pour les très longues distances, on pense dresser des chevaux plutôt que des chiens. Ce serait les modèles " ORS " (Objective Research System) bien mieux adaptés aux longues routes et aux lourdes charges. Egalement, Mr Crocfesses pense développer un modèle " maritime ". L'idée serait de traverser l'Atlantique à dos de dauphin. Mais " les recherches n'en sont pas encore là ", confesse Mr Crocfesses.
Vient, finalement, le troisième modèle ayant permis à Can'idée de s'affirmer sur le marcher du chien d'assistance : c'est le modèle " chien de voyant ". Celui-ci a l'œil partout mais, surtout, il a la faculté de prendre des décisions à votre place. C'est très utile… Chien de sociabilité par excellence, le chien de voyant est le modèle le plus vendu par Can'idée. Le succès a été tel qu'il a fallut segmenter la gamme. Ainsi, certains de ces chiens, dits " spécial sortie ", sont connaisseurs d'art ou ont leurs entrées dans les milieux underground parisiens. Ils mènent leurs maîtres partout où ils n'iraient pas seuls : musées, concerts ou, tout simplement, hors de chez eux. D'autres, appelés " spécial accroche " sifflent les belles femmes et enroulent leur laisse autour de leurs jambes. Enfin, le département recherches de Can'idée a accouché récemment du modèle chien de voyant " spécial voyage ", couramment appelé " chien de touriste " pour les aficionados. Selon le budget, là encore, celui-ci pourra choisir la destination, réserver l'avion et l'hôtel, voire se familiariser avec le B.A.-BA de l'idiome local. Sur place, il décide des itinéraires. Pour se faire, certains chiens sont spécialisés dans le circuit des pyramides d'Egypte, celui des palais d'Angkor ou des barres HLM de Melun. Notons enfin que ces modèles sont de très bons photographes (NDLR : l'appareil photo n'est pas fourni avec le chien, ni les piles d'ailleurs).
En fait, le " spécial voyage " doit servir, dans l'esprit de Mr Crocfesses, de passerelle pour attaquer le marché à l'export et particulièrement le marché chinois, très consommateur de chiens…


Une entreprise meilleure amie de l'homme

Can'idée surfe donc, depuis cinq ans bientôt, sur la vague de la réussite. L'entreprise commence à se faire connaître et mobilise de plus en plus les investisseurs. La direction de Can'idée pense diversifier davantage ses produits pour aider plus encore l'homme, le client. Mr Franc-Ducollier, partenaire de Mr Crocfesses, témoigne sur ce sujet : " notre département R&D est le fer de lance de notre groupe. Grâce à lui, nous nous tenons toujours en éveil. On crée de nouveaux chiens, de nouvelles bêtes, pour faire de ce monde un monde meilleur. L'homme progresse. " Mr Franc-Ducollier décline d'ailleurs fièrement tous les nouveaux modèles et ceux à venir. Parmi eux, citons à titre d'exemple : le chien couche culotte, le chien lampe torche, le chien à repasser, le chien faiseur de vaisselles, le chien sorteur de poubelles et insulteur de son voisin, le chien travailleur au boulot à votre place, le chien psychiatre, le chien donneur d'organe, le chien donneur d'envies, le chien ami, le chien amant, le chien président.
Bref, toutes ces révolutions canines qui permettront aux hommes d'améliorer leur vie, de soulager leurs peurs, de corriger leurs goûts et de les laisser en paix avec eux-mêmes, heureux et mous, et un peu plus bêtes que leurs bêtes.
Mais le marché est si porteur que la concurrence pourrait bientôt être rude. Le ciel de Can'idée s'est obscurci depuis l'ouverture, il y a quelques semaines de deux autres sociétés, " Suivez le chien " et " laisse & moi ", positionnées sur le même marché. De fait, les chiens ont effectivement un bel avenir devant eux !

R.D.
Pour info : Can'Idée 7 bis rue du chenil 94100 Saint Maur des Fossés http://regis.moulu.free.fr/commeunj.htm


"Dans le noir, ils luttent contre le gris" de Régis MOULU, auteur animateur

Déjà 16 km !

Si vous vous promenez à Paris, vous ne tarderez pas à voir leur résultat. On les appelle les coloristes du trottoir. Que ce soit à Opéra, au Châtelet ou Place de l'Odéon, ils ont œuvré partout ! Déjà 16 kilomètres de trottoirs coloriés en une nuit.

Un besoin urgent

Qui ne s'est pas plaint de l'effet morose qu'ont pris nos villes ? Voyez tous ces bâtiments gris ou anciennement blancs qui hantent nos villes ! Qui, après un tel constat, ne pourrait expliquer qu'il y ait tant de dépressions ? En effet, marcher dans la rue revient toujours à avaler une succession de gris. Robert, habitant du 5ème arrondissement, la casquette vissée sur la tête et le nez gros, nous dit " ce n'est plus possible, je n'arrive même plus à distinguer les pigeons. Je vois bien que j'ai dû marcher sur l'in d'entre eux. Ma femme aime les bêtes. Je me suis fait engueuler. Elle m'a dit que j'étais bête. C'est donc qu'elle m'aime aussi… ".
Comme beaucoup Robert souffre de grisomanie. Il fixe trop les trottoirs. Son œil ne repère plus que 23 couleurs. Cet appauvrissement va grandissant. Faudra-t-il, comme pour les coquilles d'ordinateur, attendre 15 ans avant de passer à la couleur ? La réponse est non puisque le gang des colorieurs a frappé.

C'est surtout le Maire qui a été grisé

Ça fait une semaine que Paris a commencé à changer de figure. La capitale a mis son fard. Les trottoirs sont gagnés à toute vitesse par la couleur. Le gris recule. La bonne humeur avance. Une opération d'une telle envergure a ravi tout le monde. Et interrogé. Même Monsieur le Maire a bien cru ignorer ce que faisaient ses services. Or, après une rapide enquête interne, il s'avère… que l'Hôtel de Ville n'avait rien à avoir avec cette "folle peinturlurade". Qui était donc à l'origine de ce déversement ? Vous pensez donc, trouver bonne une idée qu'on croyait venir de soi, et s'apercevoir qu'elle provient de quelqu'un de non identifié, c'est troublant ! Vexé, Monsieur le Maire s'est empressé de donner des ordres !

Les Parisiens ont leur avis

Une plainte a été déposée pour, je cite, "tentative de maquillage des aires de stationnements interdits". Serait-ce en effet la fin des bordures jaunes ? "Paris, serait-il enfin libéré… de la confiscation arbitraire de son espace par les pouvoirs publics" semblent déjà penser de nombreux Parisiens. Ils ont, on le comprend, aisément l'air réjoui. Quiconque marche sur un trottoir par exemple vert a effectivement l'air plus éveillé. Comme jamais, cette réaction spontanée et de masse pourrait bien faire plier nos politiques et les fonctionnaires les plus zélés, populisme oblige.
Toujours est-il que côté Préfet de police, on ne déclare bizarrement rien. Est-ce à dire que le phénomène ne peut plus que s'étendre à toute la ville, banlieues comprises ? A la vitesse où se colorent les trottoirs de la vieille dame, on a toutes les raisons de le penser ! Si la nuit dernière, 16 kilomètres ont été effectués - du jamais vu - ces derniers s'ajoutent aux 11 déjà mesurés en catimini par la D.D.E. au cours de la semaine, apprend-on seulement aujourd'hui que tout éclate. Mais qui peut travailler aussi vite sans se faire prendre ?

La nuit, ils jouent du pinceau !

Le mode opératoire est toujours le même : cela se passe la nuit. Avant 3h00. Il paraît qu'en moins de 15 minutes, 1 kilomètre de trottoir est repeint. Et ils poussent même le vice à y mettre plusieurs couleurs. " C'est comme une chaussette Kindy à notre réveil, à l'ouverture de nos persiennes " a déclaré Micheline T., une sexagénaire du quartier des Halles. L'enquête en cours a permis de recueillir quelques témoignages, mais ils sont rares et peu précis. La filière portugaise.
Le gang des colorieurs comme on l'appelle désormais serait composé de trois personnes. A aucun moment ils ne semblent bâcler leur travail. Ils ne se contentent pas de déverser un pot de Valentine ici ou donner un coup de pinceau là. Non, ils travaillent avec méthodes et soin. Le commissaire Bourrisson, chargé de l'affaire, privilégie la piste de trois chômeurs - en effet, comment peut-on travailler le jour après avoir fait de tels exploits la nuit -, ex-salariés d'entreprises de peinture d'origine portugaise.
" Mais des clichés ne font pas des portraits-robots " s'est autorisée à dire Madame Moruanès, directrice du restaurant de morues les plus appréciées de la capitale. Il faut dire que cette affaire fait boule de neige maintenant qu'elle a fait tache d'huile ! A noter néanmoins que très rares sont ceux qui se plaignent de ce rafraîchissant relooking.

La colère noire des taggers

Parmi eux figurent les taggers. Mais comment peut-on s'insurger contre quelqu'un qui ne respecte pas le territoire que vous n'avez pas vous-même respecté ? Yoyog, mineur de 16 ans, le fond de culotte qui tombe sur les mollets - mode jeans oblige - s'énerve rapidement quand il nous lance : " ah, yo, c'est comme si nous on pissait sur sa reum (verlan de "mère") ! ". Ce serait donc une affaire d'identité, d'appartenance, de reconnaissance d'une expression qui les opposerait au gang des colorieurs. Bref, pas de quoi émouvoir notre Maire qui a réagi en déclarant : " à 3h00 du matin, le territoire d'un jeune, c'est son lit ".

Un bon coup de balai

Mais revenons sur ce que nous avons appris de notre côté. Car nous en savons plus que la police à ce sujet. Notre gang n'utilise pas des pinceaux mais de véritables voitures-balais. Ces véhicules sont utilisés habituellement pour nettoyer les routes et assainir les caniveaux. L'un d'entre eux répandraient donc la peinture en variant les pots pour qu'il y ait un subtil mélange de couleurs. Son complice passerait de suite avec le gros véhicule tandis qu'un tiers serait affecté au démontage-remontage de tout le mobilier urbain qui empêcherait un camion de passer sur un trottoir, à savoir : panneaux, poteaux, kiosques à journaux et gros plots.

Cette folie a quelques ratés : premier en date, Ouille le chat !

Aussi incroyable que cela puisse être, bien que minutieux, ce repeinturlurage précipité présente quelques ratés. En effet, mardi nuit, un chat de gouttière nommé - et ça ne s'invente pas - "Ouille" s'est retrouvé bleu en moins de 10 secondes.
La S.P.A. s'en est émue, elle qui croyait comme tous que la nuit tous les chats étaient gris !! Mme Putouas, secrétaire générale de l'association qui n'a pas sa langue de… dans la poche, a même été jusqu'à parler du "premier mazoutage terrien" en l'espèce, n'en déplaise à tous les goélands !

Relogeons d'urgence tous nos S.D.F.

Autre raté plus polémique : un pied et son mollet d'un S.D.F. sont devenus vert-pomme. L'homme souffre. Mais c'est surtout par les railleries de ses amis d'infortune qui l'appellent l'unijambotte de caoutchouc. A croire que de nouveaux peuples bien étranges risquent de plus en plus d'animer notre trop assoupie capitale ! Au domaine du bizarre, ajoutons aussi l'apparition d'herbe rose, de plaques d'égouts jaunes et de pavés violets !

Jusqu'où iront-ils ?… jusqu'à se payer la tête de Monsieur le Maire !

Une première estimation a permis d'établir que nos faiseurs d'arcs-en-ciel ont utilisé près de 270 pots de peinture de 5 litres. ù trouvent-ils un tel budget ? N'auraient-ils pas de liens évidents avec une entreprise de chimie ? Et après les trottoirs, ne finiraient-ils pas par repeindre chacun de nous ?! Imaginez plutôt la tête de Monsieur le Maire qui, avant de se coucher, mettrait tous les soirs sa cagoule de peur de se voir le lendemain dans le miroir avec une peau de Schtroumf !

 

"Quand le nez part en croisade" de Janine NOWAK


Quand le nez part en croisade Scène de la vie quotidienne dans une rue de Paris : au bord de la chaussée, quelques passants grimacent, froncent les narines, invectivent les pouvoirs publics, Dieu, l'humanité entière. Instant de folie collective ? Non ! Simple réaction à une odeur nauséabonde d'égout ! C'est alors, que surgit comme une envoyée céleste, une femme. Une jeune femme gracieuse, qui, d'un coup de spray décidé, rend le sourire à cette foule écœurée.

Ce que je viens de décrire, chers lecteurs, n'est pas le dernier spot publicitaire à la mode, mais une " brève de chaussée ", une " réalité de macadam ".
Car cet " Ange Exterminateur des Odeurs Fétides ", n'est autre que Kiki Manche !

Qui est Kiki Manche ? Femme d'affaire avisée ou philanthrope ? Je dirais les deux. Loin de l'univers du " Grand Luxe à la Française " des Chanel, Dior, Hermès et autres, elle ne jouit que d'une notoriété toute relative. Cependant, elle est, à l'heure actuelle, l'un des leaders sur le marché national des parfums.
Partie de peu, voici trois ans, sa petite entreprise a réussi à se faire une place au soleil. A l'origine de ce succès, une stratégie atypique : proposer des fragrances pour masquer les odeurs de fosses septiques !

L'idée, c'est Kiki Manche, petite jeune-femme de 37 ans, pleine d'humour, qui l'a eue. Elle raconte : " Je travaillais alors en laboratoire, dans la création de produits destinés aux parfumeurs. Je passais mes journées dans un univers de rêve, enveloppée des senteurs les plus subtiles. Or chaque soir, en regagnant mon domicile, je me trouvais agressée par les détestables émanations des caniveaux. Par une chaude nuit d'été où, fenêtres ouvertes, j'essayais vainement de trouver le sommeil, j'ai jeté, dans un moment d'exaspération, en contrebas, sur le trottoir, un flacon entier d'un parfum couteux. Le miracle se produisit : l'atmosphère en fut embaumée et c'est enivrée, enfin apaisée, que je plongeais avec délice dans les bras de Morphée. C'est ainsi que le " déclic " eut lieu. J'ai immédiatement réalisé qu'il n'y avait aucune raison de ne pas traiter ce " mal des villes ". Téméraire, j'ai rapidement démissionné d'un poste d'avenir et me suis lancée à corps perdu dans cette aventure ".

Cette jeune femme courageuse a dû se battre. Elle risquait de se brûler les ailes et de très vite déchanter.
Quelles sont les recettes de son succès ?
Se passer d'intermédiaires. Elle a fait elle-même du porte à porte, du démarchage auprès des maires des communes, peu enthousiasmés par l'idée de consacrer une partie de leur budget au simple bien-être de leurs concitoyens.
Elle a réduit les dépenses de publicité, et organisé des ventes en direct.
Et puis, elle a été très attentive à la création, y apportant un soin particulier, faisant appel à de très bons " nez ", afin que seuls, des produits de qualité soient élaborés.
Estimant que, suivant les régions, les parfums prisés ne seraient pas forcément les mêmes, elle a créé toute une gamme de produits très variés. Ainsi donc, dans le sud de la France, prédominent, la lavande et le pin ; alors qu'au nord de l'hexagone, tilleul et giroflée ont la préférence.
Elle a ensuite formé ses équipes, toutes féminines. En effet, ce sont des jeunes femmes souriantes qui sillonnent les artères de nos cités, portant sur l'épaule, une musette emplie de vaporisateurs. Leur tâche consiste à respirer profondément aux alentours des bouches d'égout puis à intervenir dès qu'une odeur suspecte se manifeste. Elles aspergent alors généreusement l'endroit incriminé, où un bon parfum, brusquement domine et subsiste quelques heures, neutralisant efficacement tous les relents malodorants.
Les premiers tests ont d'abord eu lieu en province, dans des communes d'importances moyennes.
Puis le bouche à oreille a opéré. Petit à petit, le succès est venu.
Enfin, depuis un mois, c'est Paris qui lui a ouvert les bras. Opiniâtre, toujours sur la brèche, Kiki Manche a décidé de mettre, elle-même, la main à la pâte, allant ainsi à la rencontre d'un public ravi, qui réserve chaque fois, à cette bienfaitrice, un accueil chaleureux, amical, reconnaissant et enthousiaste.

Quotidien " SOIR INFO "
Chronique de Janine NOWAK
Samedi 10 MARS 2007

Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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