SAMEDI 7 AVRIL 2012
de 14h00 à 19h00

dans le cadre du cycle
"Le monologue du plaisantin 2"

Animation : Régis MOULU

Comédien présent :
Philippe CHAUVIN

Thème :

Apartés glacés
Au cours de cette séance, il s'agit de dévoiler son caractère, une humeur, ses émotions, une réflexion plaisante, un commentaire désobligeant et/ou un secret terrible.

Car un aparté est une réplique, souvent brève, qu'un personnage ne désire pas faire entendre à son interlocuteur… mais que le public entendra ! Ce ressort comique permettra de savourer l'enrichissement qu'il y a à écrire des intériorités mêlées à des extériorisations.

Remarque : au-delà de la contrainte formelle (thème), le sujet suivant a été proposé : la personne qui s'exprimera sera touchée par une hypersensibilité qui se
révélera/explosera lors d'apartés soulageantes !  Par ailleurs le texte devra comporter les sept mots suivants (principe du logo rallye) : favori / humide / million / conserve / musique / pouce / sauvage

Pour stimuler et renforcer l'écriture et les idées de chacun, un support qui distingue notamment "apartés réels" et "apartés scéniques" a été distribué. Cool !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-après quelques textes produits durant la séance, notamment (dans l'ordre):

- "La vie à deux" de Christiane FAURIE

- "La bonne dame de la paroisse" de Janine NOWAK

- "Titine" de Nadine CHEVALLIER



Philippe CHAUVIN interprétant un texte venant d'être écrit (coll. J. NOWAK)


"La vie à deux" de Cristiane FAURIE

Ah, c’est toi Hubert. Entre. Je ne savais pas que tu viendrais si…tôt.
A part : mais quelle idée j’ai eu d’écouter Nadine. Depuis que je vis seule, elle veut à tout prix me caser. Et voilà cet Hubert pendu à mes basques.
Je donnerais un million pour m’en débarrasser certains jours.
Certes, c’est pratique, il me sort mais c’est pas un rigolo. Je ne peux plus respirer. Il est toujours là aux petits soins.Que dis-tu Hubert ? Qu’il ferait bon à la campagne par ce beau temps ?
Mais il est tard non ?
Ah ! Nous pourrions aller chez tante Jeanne à Meudon ?
Mais n’est-elle pas trop âgée pour qu’on la dérange au pied levé ?
Ah non ? Elle veut me connaître ?A part : Mais on se croirait au moyen âge !
A mon âge, être présentée à la famille, c’est d’un conventionnel ! On peut bien se payer quelques distractions sans alerter toute la place de Paris, non ?Bon, si tu y tiens, allons-y.A part : Il faut bien lâcher du lest de temps en temps et ne pas faire toujours sa sauvage Mais je t’avertis, je ne resterai pas dans cette pièce humide à vous glacer le sang où tu sens le moisi jusque dans les sous-vêtements !
J’ai une idée, si nous passions voir Nadine, Juliette et Suzanne en passant au retour. C’est sur la route.
Nous pourrions faire une partie de nos jeux favoris.
Quels jeux favoris ?
Par exemple le poker menteur.
Comment Hubert, tu sais y jouer ? Je ne te connaissais pas ce talent. Je te découvre. Tu conserves tellement ton quant à soi en toutes circonstances ! Tu es si bien élevé !
On te donnerait le Bon Dieu sans confession !
Et au streap poker, tu y as déjà joué ?
Là non ? Même avec un petit coup dans l’aile histoire de te donner un coup de pouce ?A part : Cet homme est trop programmé ! Toujours d’accord. Toujours poli. J’en arrive à regretter mon défunt mari.
Là, ce n’était pas la même musique ! Toujours en conflit. C’était épuisant !Dis-moi, Hubert ? Quand tu étais petit, quel genre d’enfant étais-tu ? Tu suçais ton pouce ? Tu arrachais les ailes des mouches ? Tu donnais des coups de pieds dans les varices des vieilles ?
Quoi, tu as l’air choqué ! Mais c’est la vraie vie ! Je cherche vainement en toi le côté sauvage ; celui qui jette ses principes au feu pour surprendre sa belle !A part : Oh la la ! Je crois que cette fois, j’y suis allée u n peu fort !
Il ne faudrait pas que je le fasse fuir non plus !. Ben oui, ce n’est pas toujours drôle de sortir seule. Et vous avez essayé de jouer au trivial pursuit seule ?
Mais quand même à 60 ans, toute une éducation à refaire !
Je me demande des fois si ça en vaut la chandelle ?Hubert, es-tu d’accord pour que je t’apprenne à montrer les dents ? Ecouter une musique à contre temps ?
A part : Je sais, Nadine va encore me dire que je ne suis jamais satisfaite. Que cet homme est parfait pour moi. En plus, je crains qu’elle n’ait raison ! Mais elle aussi elle est raisonnable.
Hubert, que me trouves-tu ? Je n’atteindrai jamais ta perfection ! Je suis bourrée de défauts, il faut bien le reconnaître ! Cette mauvaise éducation qui me colle à la peau !
Tu aimes tout ça ? Mais essaie alors de développer ton côté sale gosse !
Pourquoi ???
Mais parce que la fantaisie éloigne à jamais l’ennui !
A part : Il est quand même ennuyeux, je dois le reconnaître ! Parfois, on dirait qu’il a 80 ans. Moi, j’ai encore envie de faire la folle !
Hubert, il faut que je te dise, je suis trop jeune pour m’engager dans une relation à deux. Et bien oui, dans ma famille, on devient centenaire. Donc, j’ai le temps !
Comment, si nous parlions de tout ça aux Seychelles le mois prochain ?A part : Il est très convaincant quand même !Si tu me prends par les sentiments !A part : Ce n’est pas encore aujourd’hui que je vais me séparer d’Hubert !


"La bonne dame de la paroisse" de Janine NOWAK


C’est entendu, Madame la Baronne. Vous savez bien que vous pouvez toujours compter sur moi. Participer à votre vente de charité sera un honneur et un très grand plaisir.
Quelle est ennuyeuse, cette vieille taupe ! Toujours aussi bassinoire !
Et cette fois-ci, grâce à votre diligence, Madame la Baronne, vous êtes parvenue à retenir votre local favori, la Salle Paroissiale. Quelle chance !
Ah, si elle pouvait se douter ! Si elle connaissait mon parcours… Mais pour elle, impossible à concevoir.
Oui, moi aussi j’aime beaucoup ce lieu qui conserve un certain charme campagnard.
Et la campagne, ça me connait : je suis née à Issoire.
Mais c’est grandiose, Madame la Baronne ! L’Harmonie Municipale viendra animer notre petite fête ! Comme vous avez raison : rien de tel qu’un peu de musique pour mettre de l’ambiance.
Issoire … Oh, ce n’est pas laid, Issoire. Seulement, c’est une petite ville où rien ne bouge et que je qualifierais d’éteignoir.
Nous aurons donc de la musique. Et en ce qui concerne le banquet… ?
Et toujours la même envie : fuir Issoire… En partir… En partir à tout prix. Car pour moi, esprit libre et rebelle, pas d’autre échappatoire.
C’est l’époque de la chasse, dites-vous ? Et par conséquent, nous aurons des venaisons et même… du canard sauvage ! Magnifique ! Splendide !
Une idée fixe : PARIS, la ville lumière, PARIS, la ville de tous les espoirs …
Et vous envisagez également cakes et tartes salés, ainsi que du poisson ? Ne craignez-vous pas que ce soit un peu excessif et que très vite les convives ne crient  «  pouce  » ?
La suite ? Oh, la suite… Facile à deviner : la désillusion… la pente fatale … le trottoir.
Et pour le dessert ? Une pièce montée. Excellent. Je ne discuterai pas votre choix ; vous avez un tel goût, Madame la Baronne.
Et quel trottoir : celui de Barbès-Rochechouart !
A présent, établissons la liste des lots, si vous le voulez bien. Vous êtes prête à noter, Chère Amie ?
A propos de lots, j’étais - à ce qu’il parait - un  « joli p’tit lot », comme on dit dans ce milieu… qui est aussi celui « du MILIEU ». Mais bon, passons… passons. Et puis, voilà qu’un soir…
Donc, le quincaillier de la Rue du Maréchal Leclerc, offre une série de casseroles.
Un soir… de désespoir…
Et le Salon de Beauté « Pour réparer des ans l’irréparable outrage », fait don d’une boîte de poudre de riz avec la houppette.
Un soir où j’hésitais entre boire jusqu’à rouler dans le caniveau humide… ou ma pétoire…
Le confiseur de la  Place de la Halle doit nous faire parvenir un panier de fruits confits.
Un Bon Ange s’est miraculeusement manifesté. Oh, cette fois-là, je ne fis guère plus que l’entre-apercevoir.
Et la participation du traiteur de l’Avenue Henri Martin sera une boîte de foie gras.
C’était un Ange des temps modernes, au volant d’une B.M.W. Il s’arrêta, baissa la vitre et, prenant une pause nonchalante, un bras sur l’accoudoir…
Le coiffeur de la Rue Carnot donne un fer à friser.
Il me dit tout simplement : « Bonsoir ».
De la part du magasin de faïences : six tasses à café avec leurs sous-tasses.
Et ce « Bonsoir » n’avait rien à voir…
Les caves de la Mairie ont promis une caisse de six bouteilles de Saumur-Champigny.
… Rien à voir avec les « Bonsoirs » des autres clients d’un soir.
Nous aurons en outre, trois gros lots.
Ce « Bonsoir » parvint à m’émouvoir.
En troisième position : un four à raclette.
M’émouvoir… moi… avec tout ce que j’avais pu endurer… ou voir…
En deuxième position : un four à micro-onde.
Or, après ces brèves salutations proférées d’une voix grave, mais chaleureuse, il me dit, très gentiment :« Je reviens demain, même heure, même endroit. Et je tiens impérativement à vous revoir ».
Et le gros lot : une télévision.
Me revoir… Foutaises ! J’étais prête à parier un million - que je ne possédais pas - qu’il ne reviendrait jamais. Jamais ! Jamais ! C’était si aléatoire !
A présent, calculons les mises à prix pour la vente aux enchères. Nos généreux donateurs ont eu la bonne idée de noter les valeurs en regard de leurs cadeaux. Voici qui va bien nous aider.
Cependant le lendemain - ah, folle que j’étais ! - submergée par l’espoir, je venais au rendez-vous, près du sens giratoire.
Nous devrons pousser un peu et faire monter les enchères si vous souhaitez, Madame la Baronne, que le voyage à Lisieux destiné à vos chères orphelines, puisse se réaliser.
Je trépignais. J’étais en effervescence. Et soudain, je la vis… SA VOITURE NOIRE !
Mais oui, Madame la Baronne, tout à fait, c’est si beau, si charitable de se dévouer pour les autres. Et je suis bien de votre avis : seules, des personnes bien nées  - comme nous  -  en sont capables.
Bien nées ! Tu parles, Charles ! Ah, si elle se doutait, cette vieille bourrique !…                                      Il freina doucement, vint se garer près de moi, descendit, fit le tour de son véhicule, ouvrit la portière côté passager, me prit par la main, et très gentleman, me pria de m’asseoir.
Passons au plan de table, à présent. Evitons d’installer Madame la Sous Préfète - qui es anorexique  -  à côté de l’Archevêque… qui avec ses 130 Kg. avoués n’a rien d’un ascète !
On roula longtemps. J’étais en état second. Il restait silencieux. Je respectais son mutisme, car je sentais qu’il aurait été déplacé de lui faire subir un interrogatoire.
Et il serait plus sage également, de tenir éloignée, la farouche vieille  Demoiselle Lassagne,  de notre fringant journaliste local qui, après boire, a parfois des histoires un peu lestes à raconter.
Le trajet prit fin. Nous venions de pénétrer dans le parc d’un manoir.
Oh, et surtout, surtout, ne faisons pas cohabiter l’instituteur, adversaire acharné de la chasse, avec Monsieur le Marquis Tresvaux du Fraval, qui possède une chasse à courre en Sologne et aime évoquer abondamment ses exploits.
Un manoir… Ce manoir, où depuis bientôt cinq ans, je joue - avec succès - à la « Dame Patronnesse ». Mon Bel Ange, avait fait un pari avec lui-même, le pari fou de transformer la raclure de trottoir que j’étais… en Princesse prête à briller dans la Haute Société. Certains hommes aiment à jouer les Pygmalion.
Elève douée et reconnaissante, j’ai très vite évolué conformément à ses désirs. Pour moi, ce fut la rédemption. Pour lui, ce fut une belle victoire.

Hé bien, Madame la Baronne, à samedi prochain. Et n’ayez crainte : grâce à vous, tout sera parfait comme à l’accoutumée. Bon… soir.



"Titine" de Nadine CHEVALLIER

Allez ma vieille, au boulot ! On ne se laisse pas abattre, on y va !
(En aparté) Bouh ! ça me fait mal de faire ça...Allez, suis-moi, là... Tout doux, un coup de pouce et hop, c'est parti !
(En aparté) Pourvu qu'elle ne s'arrête pas...Là, tout droit, c'est bien, ne cale pas, ne cale pas ! Deuxième, troisième... Bravo ma Titine, vas-y !
(En aparté) Ouf ! ça a l'air d'aller... en fait, faut pas lui montrer qu'on s'inquiète sinon...Allez Titine, on ne lâche pas, c'est pas bien loin, on va y arriver...
(En aparté) La pauvre, elle est si vieille, je me suis trop attachée, j'ai l'œil humide de penser à ce que je fais...Vas-y ma Titine, allez, je te mets un peu de musique, ton air favori... (il fredonne sur l'air du Beau Danube Bleu) La la la lala lala la la la lala lalala..
(En aparté) Elle sait pas que l'autoradio est en rade, j'ai pas pu lui avouer ça...La la la lala lala la la la lala lalala..
(En aparté) quand même une reprise de 20%, ça fait pas des millions mais c'est toujours ça...La la la lala lala la la la lala lalala..
(En aparté) C'est moche ce que je fais quand même... Bon, mais 20%...La la la lala lala la ... Allez ma Titine, on arrive au carrefour, tu ne cales pas au feu hein ? Tiens le coup ma grande, je te fais le plein au retour, promis ! Cale pas ! Cale pas !
(En aparté) Aïe ! elle me refait le coup de caler en plein milieu, elle le fait exprès ou quoi ?Oh, ça va ! Oui je repars, pas la peine de klaxonner... T'inquiète pas Titine, c'est rien que des jaloux dans des boites de conserve... Allez ! courage... Et ça repart...
(En aparté) Comment je peux dire ça moi, qu'elle le fait exprès ? Elle n'est pas capable d'un tel calcul, depuis vingt ans qu'on se connait... Bon, pense plutôt aux 20%...Allez ma Titine ! T'es la meilleure ! Tiens, je te paierai même le lavage automatique au retour, si tu veux !
(En aparté) Lavage, lavage... pourvu qu'il ne pleuve pas, oui ! C'est que les essuie-glaces sont nazes aussi... elle le sait pas non plus... 20%, 20%, c'est pas mal, c'est pas mal...T'aimes ça, hein, ma Titine ! Un nettoyage au polish sur ta carrosserie ! Tu vas briller de mille feux. Comment dire ? Resplendissante, tu seras ! Tiens ! Comme pour le mariage de Pierre, tu te souviens ? Tu étais plus belle que la mariée ! Ah ! Tu aimes les compliments, je vois ! Quarante au compteur ! Oh la la ! Pas d'excès ma Titine ! Doucement ! Allez, c'est à gauche, on y va... Tranquille...
(En aparté) Tranquille ? Sans clignotant, ça craint !... Personne derrière... ouf ! Elle n'a rien remarqué. J'ai l'impression qu'elle perd aussi la mémoire ces temps ci... Bon... pour 20%...Voilà ma Titine, c'est ici... Ben comment dire ? Tu vois, je ne t'en ai pas encore parlé... Mais tu vas devoir rester ici quelque temps. Oh ! tu seras bien, tu verras... C'est juste pour quelque temps...
(En aparté) Je peux pas, je peux pas... 20%, 20% est-ce que ça vaut une amitié de 20 ans ?Bon Titine, quelques jours et je reviens te chercher ! Promis Tu me connais ! Après on ne se quitte plus... Et même,  tu auras une nouvelle copine !
(En aparté) Pour 20%, je rachète ma Titine comprimée.


Les textes présentés ci-dessus sont sous la responsabilité de leur auteur. Ils sont quasiment le fruit brut qui a été cueilli en fin de séance... sans filet !
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